L’Union européenne entre fermeté et prudence

Réuni en session extraordinaire le jeudi 20 février à Bruxelles, le Conseil des ministres des affaires étrangères de l’Union européenne a décidé le principe de sanctions contre les dirigeants ukrainiens responsables des affrontements de Kiev.

Souvent accusée d’inaction face à la crise ukrainienne, l’Union européenne vient de faire mentir ses détracteurs en annonçant des sanctions contre les responsables des violences qui ensanglantent le pays. Après avoir multiplié les déclarations alarmistes sur les affrontements en Ukraine, la voici qui passe enfin des paroles aux actes. Mais elle n’entend pas pour autant couper les ponts avec le régime de Kiev. Elle souhaite en effet que le dialogue reprenne entre le pouvoir et l’opposition pour rendre possible une solution politique. Elle se dit prête à soutenir l’Ukraine dans sa recherche d’une issue démocratique qui passe par une révision de la Constitution, la formation d’un gouvernement d’union et l’organisation de nouvelles élections. Les Vingt-huit défendent donc une position balancée entre condamnation et ouverture.

Les dirigeants européens se sont lancés depuis quelques jours dans une intense activité diplomatique. Alors que les ministres des affaires étrangères allemand, français et polonais se rendaient à Kiev, jeudi 20 février, pour tenter de jouer les médiateurs, leurs collègues se réunissaient à Bruxelles sous la présidence de Catherine Ashton, haute représentante de l’UE, pour débattre d’éventuelles sanctions. Dans la déclaration qu’ils ont publiée à la fin de leurs travaux, ils se disent à la fois choqués et consternés par l’évolution de la situation sur place. « Aucune circonstance ne peut justifier la répression à laquelle nous assistons en ce moment », affirment-ils avant de condamner avec force toutes les violences.

Les Européens demandent qu’il soit mis fin à ces violences et surtout, pour la première fois, ils annoncent des « sanctions ciblées » contre leurs auteurs, dont les avoirs seront gelés et les demandes de visas refusées. De plus, la livraison d’équipements pouvant servir à la répression sera suspendue. Les ministres des affaires étrangères ne précisent ni les noms de ceux qu’ils ont choisi de cibler ni leur nombre. Ils ajoutent que les modalités d’application de ces mesures dépendront de l’évolution de la situation. Ils ne veulent pas compromettre le travail de leurs trois collègues en mission à Kiev, qui ont rencontré tour à tour le président Ianoukovitch et les dirigeants de l’opposition et s’efforcent de définir une « feuille de route » acceptée par les deux parties.

Pour sa part, Angela Merkel, qui avait appelé, avec François Hollande, mercredi 19 février, à l’occasion du conseil des ministres franco-allemand, à la fois à l’adoption de sanctions contre les responsables des violences et à la reprise du dialogue entre les deux parties en Ukraine, s’est entretenue par téléphone, jeudi 20 février, avec Barack Obama et Vladimir Poutine. Elle les a informés de la mission des trois ministres des affaires étrangères à Kiev. Le président américain et son homologue russe ont estimé l’un et l’autre qu’une solution politique devait être trouvée le plus rapidement possible.

François Hollande avait donné le ton en indiquant que l’Europe ne pouvait pas rester passive face aux événements d’Ukraine. « Ceux qui ont commis des actes, ceux qui s’apprêtent à en commettre d’autres, avait-il ajouté, doivent savoir qu’ils seront sanctionnés ». Mais en même temps, selon le président français, les sanctions décidées par l’Union européenne doivent être un moyen de pression pour que s’ouvre un dialogue incluant « tous les pays concernés par la question ukrainienne », à commencer par la Russie. Il s’agit donc de garder le contact avec Moscou, en dépit des invectives de ses dirigeants. Voilà pourquoi les Européens doivent allier fermeté et prudence.