L’Union européenne joue la modération

Les Européens renoncent à geler leurs aides financières au Caire, mais choisissent de suspendre les livraisons d’armes qui peuvent servir à la répression interne. Ils appellent au dialogue et à la réconciliation.

Face à l’évolution de la situation en Egypte et à la multiplication des actes de violence, l’Union européenne a choisi de ne pas appliquer la sanction la plus lourde à sa disposition, celle qui aurait consisté à geler ses aides financières. Ces aides se sont élevées à environ un milliard d’euros entre 2007 et 2013, au titre de la politique de voisinage, un montant considérablement augmenté, en novembre 2012, par un crédit additionnel de 5 milliards d’euros. A ces sommes s’ajoutent les subsides versés directement par les Etats membres, soit environ 2,4 milliards. Au total, les sommes distribuées par les Européens pour favoriser la modernisation économique, les réformes sociales, la transition démocratique ne sont donc pas négligeables.

L’UE n’a pas voulu y toucher pour plusieurs raisons. La première est qu’elle s’est donné pour règle de ne rien faire qui risque de nuire à la vie quotidienne du peuple égyptien et lui créer des difficultés nouvelles. La deuxième est qu’elle n’entend pas offrir à d’autres, en particulier aux pays arabes, voire à la Russie et à la Chine, l’occasion de la remplacer auprès de ce « partenaire stratégique » que représente pour elle l’Egypte. La troisième enfin est qu’une grande partie de ces sommes est déjà bloquée par suite du chaos dans lequel se trouve l’Egypte et de son incapacité à répondre aux critères requis.

Pour toutes ces raisons, l’UE, qui refuse de parler de « sanctions » et insiste sur l’importance de sa « longue et étroite relation » avec l’Egypte, qu’elle veut accompagner sur le chemin de la démocratie, s’est contentée d’annoncer, au terme de la réunion des ministres des affaires étrangères à Bruxelles le 21 août, qu’elle réexaminerait la question de son assistance financière mais qu’en tout état de cause celle-ci continuerait « dans le secteur socio-économique » et à l’égard de la société civile. Les Européens pensent plus particulièrement aux domaines de l’éducation et de la santé, qu’ils considèrent comme prioritaires et qui risqueraient de souffrir d’un éventuel gel des crédits.

L’assistance militaire en question

Dès lors, la seule mesure effective décidée par les Vingt-huit concerne l’assistance militaire et les livraisons d’armes. L’UE va en effet suspendre les licences d’exportation sur les matériels qui pourraient être utilisés à des fins de répression interne et réexaminer les licences d’exportation sur les autres équipements livrés à l’Egypte en application d’un accord de 2008 qui fixe certains critères tels que le respect des droits de l’homme, des traités internationaux et de la paix civile. Cette décision est importante sur le plan symbolique. Elle l’est moins sur le plan stratégique, les sommes en jeu portant sur 140 millions d’euros par an, ce qui est peu au regard de la contribution des Etats-Unis, qui est de 1,3 milliard de dollars, soit 974 millions d’euros.

Les Européens montrent leur volonté de demeurer présents sur la scène proche-orientale et de jouer un rôle dans le règlement de la crise égyptienne. Catherine Ashton, la Haute représentante pour la politique étrangère, s’y emploie avec une énergie qu’on ne lui connaissait pas jusqu’alors. Les Européens se heurtent à un difficile dilemme. D’une part, ils ne peuvent pas rester silencieux ni inactifs face aux affrontements meurtriers qui déchirent le pays. D’autre part, s’ils veulent être écoutés, il leur faut éviter de donner raison à ceux qui s’élèvent contre l’ingérence des pays étrangers.

Dès lors il ne leur reste plus qu’à appeler au dialogue et à la reprise du processus démocratique en demandant aux Egyptiens de mettre fin au « cycle de la violence » et de s’engager dans une « réconciliation politique ». Dans leur communiqué du 21 août, les Européens jugent « disproportionné » l’usage de la force par les autorités en place et « inacceptable » le nombre des morts et des blessés. Mais ils condamnent aussi les « actes de terrorisme » et affirment leur attachement au respect de la liberté religieuse. L’Union européenne s’efforce d’obtenir des parties en présence qu’elles renoncent à l’exercice de la violence. Elle sait toutefois qu’elle n’a qu’un pouvoir limité pour faire prévaloir une solution pacifique.