L’Union selon Wolfgang Schäuble

Dans un entretien au magazine Der Spiegel du lundi 25 juin, le ministre allemand des finances Wolfgang Schäuble détaille ce que devrait être, selon lui, une Union politique de l’Europe. Wolfgang Schäuble avait déjà été en 1994, avec le responsable des affaires européennes de la démocratie-chrétienne allemande Karl Lamers, l’auteur d’une proposition de « noyau dur » au sein de la Communauté européenne, sur la base de la monnaie unique.

Pour Wolfgang Schäuble, comme pour la chancelière Angela Merkel, la solidarité ne saurait aller sans contrôle. « Quand vous avez la possibilité de dépenser de l’argent sur le compte des autres, vous le faites, dit-il aux journalistes du Spiegel. Moi aussi ». C’est pourquoi il propose la création – « dans l’hypothèse optimale » — la création d’un poste de ministre des finances européen qui aurait un droit de veto sur les budgets des Etats membres. Il autoriserait par exemple le recours à des dettes supplémentaires. L’utilisation de cet argent – « pour la politique familiale ou la construction de routes » — resterait en revanche de la responsabilité nationale.
Mais ce n’est qu’une pierre de l’édifice institutionnel que suggère le ministre allemand des finances. Il imagine la Commission de Bruxelles transformée en véritable gouvernement de l’UE. Sa légitimité démocratique devrait être sanctionnée soit par l’élection de toute la Commission par le Parlement européen, soit par l’élection directe au suffrage universel de son président. Une proposition qui rejoint une idée de Jacques Delors. L’ancien président de la Commission de Bruxelles voulait redonner de l’intérêt à l’élection du Parlement européen par la nomination comme tête de liste sur chaque liste supranationale de celui qui serait appelé à présider la Commission, en fonction du résultat du scrutin. « L’élection au suffrage universel provoquerait une grande mobilisation qui électriserait tous les citoyens du Portugal à la Finlande ».
Les pouvoirs du Parlement européen devraient être aussi renforcés, notamment par le droit d’initiative des lois qui est actuellement réservée à la Commission. Dans son entretien au Spiegel, Wolfgang Schäuble n’évoque une nouvelle répartition des sièges de députés pour mieux tenir compte des rapports de forces démographiques, ce qui est une revendication constante de l’Allemagne depuis la réunification.
Les Etats membres seraient pour leur part représentés dans une Chambre des Etats, comparable au Sénat américain ou au Bundesrat allemand.
Ce ne serait pas « les Etats-Unis d’Europe », affirme le ministre. « Non, l’Europe de l’avenir ne sera pas un Etat fédéral sur le modèle des Etats-Unis ou de l’Allemagne. Elle aura sa propre structure. »
La proposition s’adresse aux vingt sept membres actuels de l’UE. Mais « compte tenu de la résistance de la Grande-Bretagne, qui ne faiblira pas, à tout progrès de l’intégration, comme on l’a vu avec le pacte fiscal […] il est fort possible que les nouvelles institutions ne s’appliquent dans un premier temps que dans la zone euro. Mais c’est clair : ce serait un club ouvert. Tout Etat de l’UE y serait cordialement invité. Nous ne cherchons certainement pas à diviser l’Europe. »

La mise en oeuvre de ces propositions supposerait des transferst de souveraineté que le Tribunal constitutionnel de Karlsruhe considère comme incompatibles avec la Loi fondamentale de l’Allemagne dans son état actuel. Il serait donc nécessaire de donner la parole au peuple allemand par un référendum qui est prévu à l’article 146 de la Loi fondamentale. Une majorité des Allemands se prononcerait-elle en faveur de cette Union politique ? Wolfgang Schäuble veut croire que c’est possible... dans les cinq ans.