L’accord sur le nucléaire iranien ouvre-t-il la voie à un accord politique au Proche-Orient ?

L’accord de Genève sur le nucléaire iranien a ouvert la voie à un retour en force de Téhéran dans la géopolitique régionale.

L’accord sur le nucléaire iranien a été signé après d’intenses négociations à Genève à l’aube du dimanche 24 novembre. La période de six mois qui a été fixée pour tester la bonne volonté du régime des Mollahs profitera en premier lieu à l’économie iranienne que l’on qualifie d’exsangue. En dix ans de sanctions de plus en plus sévères, on est passé en effet de 8% de croissance à 1,4% de récession et 42 % d’inflation.

La population iranienne est partagée entre une prudence circonspecte, le soulagement et la joie démonstrative. Le président Rohani a gagné son pari et le « Guide » Ali Khamenei va devoir continuer à préserver un équilibre délicat entre les partisans d’une ligne nationaliste et d’une majorité d’Iraniens qui ont voté l’ouverture en élisant Hassan Rohani en juin dernier.

Le deuxième test que doit affronter le régime iranien est celui de sa bonne volonté à faire pression sur le régime syrien à qui il fournit l’armement et l’encadrement militaire nécessaires à sa survie, au prix d’une répression féroce de son opposition armée.

A la veille de l’accord sur le nucléaire, une réunion a eu lieu secrètement, le 22 novembre à Genève, au siège de la délégation française aux Nations unies. Outre les représentants français, étaient réunis autour de Valérie Amos, secrétaire générale adjointe des Nations unies chargée des affaires humanitaires, des représentants américains, russes, iraniens et saoudiens. La négociation portait sur l’ouverture de corridors humanitaires à partir des frontières de la Turquie, de l’Irak, de la Jordanie et du Liban.

Le 25 novembre, on annonçait la tenue de la conférence de Genève 2 sur la Syrie dont on reportait la date depuis le printemps dernier. La ténacité de la France sur les deux dossiers a ainsi été payante. Le gouvernement syrien et l’opposition se retrouveront à la même table, le 22 janvier, pour des négociations dont on connaît encore mal le contour. On parle de la participation de « pays invités » comme l’Iran, la Turquie, l’Irak, la Jordanie, le Liban et l’Arabie saoudite.

Si la première priorité est l’ouverture de corridors humanitaires, elle devrait avoir pour conséquence l’arrêt des combats, comme l’a toujours réclamé l’opposition, mais aussi la libération des prisonniers politiques aux mains du régime et des personnes kidnappées par les troupes rebelles.

A cette phase préliminaire pourraient succéder des négociations sur un gouvernement de transition qui organiserait des élections législatives sous surveillance de l’ONU. A cet égard, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a précisé que Genève 2 visait à aboutir à « un gouvernement de transition doté de tous les pouvoirs ». Ce qui exclurait de fait le président Bachar el Assad, dont le mandat s’achève en mars prochain. Il s’agira, comme dans tout bon accord, de ménager les deux parties et d’isoler les plus radicaux.

Ainsi serait testée la bonne volonté de l’Iran mais aussi celle de l’Arabie saoudite dont la rivalité s’est transposée sur le terrain syrien. Dans cette optique, la bouderie affichée en octobre par le royaume saoudien de ne pas participer au Conseil de sécurité de l’ONU serait revue positivement.

Scénario fragile, négociations complexes, environnement explosif

Il reste un certain nombre d’inconnues, dont une de taille : que faire du Hezbollah libanais dont plusieurs milliers de combattants ont rejoint les Pasdarans iraniens aux côtés des troupes et des milices du régime au pouvoir à Damas ?

Il paraît évident que pour apaiser d’abord la situation au Liban, particulièrement fragilisé par le conflit syrien, mais aussi pour tenter d’apaiser les inquiétudes israéliennes, le retrait des combattants libanais de Syrie et la reconversion du Hezbollah en force politique non armée, comme le réclame l’Union européenne, pourrait faire partie de ce marchandage si le processus de négociation aboutit positivement dans les prochaines semaines ou les prochains mois.

Le scénario est fragile, les négociations complexes et l’environnement explosif. Mais les lignes semblent tracées dans une logique imparable. A condition évidemment que les principaux protagonistes y trouvent leur compte.

Pour sortir de cette impasse dangereuse que représente la crise syrienne, on savait que l’aspect humanitaire, plus que l’aspect politique, offrirait une ouverture pour régler la crise.

Les négociations sur le nucléaire iranien en ont offert la possibilité.

Il fallait s’en saisir !