Les relations entre la France et l’Afghanistan sont anciennes. Elles se sont développées dans les années 1920 autour d’une coopération active, à l’origine dans le domaine culturel (éducation, archéologie), qui s’est par la suite élargie progressivement à la santé et au développement agricole. L’occupation soviétique a mis fin à la coopération bilatérale et pendant la période 1979-2001, la France a soutenu les ONG médicales et humanitaires présentes en Afghanistan et dans les camps de réfugiés des pays limitrophes.
La France, à l’instar des États-Unis et des pays de l’Union européenne, s’est engagée dès 2002 dans l’aide à la reconstruction de l’Afghanistan. Jusqu’à la fin de l’année 2008, son aide publique était concentrée dans trois domaines principaux, l’agriculture, la santé et l’éducation, tout en apportant également un appui à la gouvernance et à la préservation du patrimoine. Ces choix répondaient à la fois à une longue tradition de coopération, interrompue par la guerre, et aux besoins en renforcement institutionnel d’un État à reconstruire.
Le retour du français
Dès 2002 l’approche française se caractérise par le principe suivant : travailler en partenariat direct avec les administrations afghanes, dans un objectif constant de renforcement des capacités et de l’autorité de l’Etat et de soutien à la population. A cette fin des assistants techniques expérimentés sont rapidement nommés auprès des ministères afghans concernés. De 2002 à 2004, des moyens financiers limités — notamment au regard de ceux de nos partenaires européens, permettent néanmoins d’aboutir à des réalisations concrètes dont quelques exemples méritent d’être cités.
Dans l’éducation, les lycées Esteqlal et Malalaï sont réhabilités et l’enseignement du français y est rétabli ; les enseignants de français sont à nouveau formés à l’université ; un programme de bourses d’études en France est constitué ; un programme de formation des formateurs est mis en place. Le centre culturel français est rouvert et coopère étroitement avec le Goethe Institut.
L’appui au secteur agricole est d’abord une aide alimentaire d’urgence puis une aide institutionnelle : l’assistant technique, toujours en poste aujourd’hui, constitue rapidement une équipe de cadres efficace au ministère de l’agriculture, « plate-forme » de la coopération française, qui réalise dans le pays sur la période considérée une trentaine de projets de multiplication de semences céréalières, élevage, pépinières, apiculture, pisciculture, vulgarisation...
Dans la santé, la coopération hospitalo-universitaire entre Kaboul et Lyon, très active dans les années 60 et 70, est relancée pour la formation et la professionnalisation des cadres médicaux et paramédicaux.
En matière de gouvernance, des sessions de formation de fonctionnaires de plusieurs ministères sont assurées par le biais d’un fonds fiduciaire placé auprès du PNUD ; la France, nation-cadre pour la mise en place du parlement, prend en charge la formation des futurs fonctionnaires de l’institution par des cadres de l’Assemblée nationale et du Sénat. Une contribution à la lutte anti-drogue est engagée : fourniture d’un laboratoire de police scientifique, formation d’équipes d’intervention, prévention des mineurs.
Dans le domaine de la préservation du patrimoine, la DAFA rouvre ses portes et reprend ses activités de fouilles, restauration et formation ; un programme de sauvegarde des archives cinématographiques et radio-télévisuelles est activement mené sous l’égide de l’Institut national de l’audiovisuel
A partir de 2005, de nouvelles dispositions autorisent l’intervention de l’Agence française de développement qui est désormais compétente pour les secteurs de la santé et de l’agriculture. Des projets nouveaux de plus grande envergure sont mis en place entre 2005 et 2008, tels que la relance de la culture du coton dans le Nord, la réhabilitation du système national de transfusion sanguine, le développement de coopératives horticoles dans la périphérie de Kaboul, le soutien au micro-crédit en partenariat avec le réseau de développement de l’Aga Khan. Dans la même période est lancé un programme de formation des juges de la Cour suprême.
Sur l’ensemble de cette période 2001-2008, la coopération française, essentiellement bilatérale, a bénéficié de financements publics à hauteur de 112, 9 millions d’euros, soit une moyenne d’un peu plus de 14 millions d’euros par an, loin derrière le Royaume Uni, l’Allemagne et les Pays-Bas. Aucune contribution n’a été versée aux principaux fonds fiduciaires internationaux (ARTF, LOTFA) jusqu’en 2008, ce qui n’est pas apparu pas sans contradiction avec le discours officiel sur l’alignement, l’efficacité et la coordination de l’aide.
L’année 2009 va marquer une évolution importante de l’approche française : une concentration de l’aide est décidée dans les zones de déploiement des troupes françaises (districts de Tagab, Nijrab et Alasay dans le province de Kapisa et district de Surobi dans la province de Kaboul).
Une aide assurée par les civils
Dans cette région enclavée et peu sûre, les populations vivent majoritairement d’une agriculture de subsistance et n’ont pas ou très peu reçu d’aide internationale. L’objectif, à travers des projets à impact rapide menés par des acteurs civils afghans, est de les aider à augmenter leurs revenus aujourd’hui très faibles, tout en améliorant leurs conditions de vie par des actions structurantes à plus log ternie visant les infrastructures agricoles, l’éducation, la santé, voire l’énergie. A cet égard la plate-forme du ministère de l’agriculture citée plus haut joue un rôle essentiel : tirant parti de son expérience acquise, elle forme d’abord sur place les représentants locaux du ministère qui réalisent ensuite les projets avec les villageois : distribution de semences de blé et d’engrais, création de ruchers et de poulaillers familiaux, de fermes piscicoles, plantation d’arbres fruitiers, tous projets déjà expérimentés avec succès dans d’autres régions d’Afghanistan. Les travaux d’infrastructures agricoles sont réalisés par des ONG (aménagement de points d’eau et de bassins versants, construction de celliers de stockage des récoltes). Des actions à moyen terme visent l’accroissement de la production laitière, l’amélioration des réseaux d’irrigation, la formation des cadres et producteurs agricoles, l’organisation de coopératives de production et de commercialisation. A cet effort bilatéral s’ajoutent des contributions spécifiques pour ces quatre districts au Programme national de solidarité (NSP) ainsi qu’au National Area-Based Development Progamme du ministère du développement rural.
Dans le secteur éducatif l’accent est mis sur la formation initiale et continue des enseignants.
Les actions de développement menées dans les zones de déploiement des forces étrangères font l’objet de critiques récurrentes. Sans entrer dans ce débat, il apparaît important de souligner que les actions décrites ci-dessus sont financées, conçues et réalisées par des civils afghans et français indépendamment des militaires.
L’augmentation substantielle des budgets (23 millions d’euros supplémentaires en 2009 dont 15,2 pour le programme Kapisa/Sarobi, effort reconduit en 2010) permet également de renforcer les programmes nationaux, notamment la rénovation des lycées et du centre culturel et la montée en puissance du programme gouvernance (formation des juges à plus grande échelle, création d’un service afghan de protection des hautes personnalités). Elle a permis, enfin, une contribution importante de la France à l’ARTF de 4 millions d’euros.
Mais soyons modestes, l’aide française ne représentait en 2009 que 4% du total de l’aide de la Commission européenne et des Etats membres engagés en Afghanistan, à hauteur de la Suède et inférieure à celle de l’Italie. La coopération française est et doit rester une coopération de proximité, au plus près des populations bénéficiaires.