L’année Hollande

Chaque semaine, l’équipe de Boulevard Extérieur prend position sur un sujet de l’actualité internationale.

Les sondages nous disent que la majorité des Français trouve François Hollande sympathique mais lui reproche un manque d’autorité. Celui-ci se manifeste par ses hésitations, son indécision, son habitude d’avancer masqué. Ce qui est peut-être vrai en politique intérieure se révèle parfaitement faux à l’extérieur. Lors de sa première année de plein exercice en tant que président de la République et donc chef des armées, François Hollande n’a pas lancé moins de deux guerres, au Mali, en République centrafricaine, et il s’en est fallu de la dérobade de dernière minute de Barack Obama qu’il n’en commence une troisième contre le régime de Bachar el-Assad.

François Hollande n’est pourtant pas un va-t-en-guerre. Il s’était même distingué dans le passé par son peu d’intérêt pour les questions internationales. Mais il a tout de suite habité la fonction de chef des armées. Le 11 janvier, il a décidé que la mission de la France était d’empêcher les groupes terroristes liés à Al Qaida de s’emparer de l’ensemble du Mali. Onze mois plus tard, il considérait que le rôle de la France était d’empêcher les Centrafricains de se massacrer. Entretemps il était prêt à participer à une opération militaire internationale pour « punir » le dictateur de Damas d’avoir employé des armes chimiques contre sa propre population. La défection britannique puis américaine l’a pris à contrepied. Il a été obligé d’admettre que la France, seule, ne pouvait pas intervenir en Syrie, même par des moyens purement aériens, à la fois pour des raisons techniques – contre la Libye de Khadafi la coalition internationale avait été tributaire du soutien logistique américain –, et politiques – Paris ne pouvait faire cavalier seul en l’absence d’une décision du Conseil de sécurité de l’ONU, qu’il était exclu d’obtenir eu égard à l’opposition de la Russie et de la Chine.

En Afrique, la France a la bénédiction de l’organisation internationale pas mécontente de se débarrasser sur l’ancienne puissance coloniale de conflits qu’elle est incapable de régler elle-même. La remarque vaut pour les partenaires européens. Ils ne manifestent qu’un intérêt distant pour les problèmes africains comme si l’Afrique n’était pas la voisine de l’Europe avec des problèmes et des chances qui la concernent directement. Ils se reposent sur l’engagement traditionnel français tout en soupçonnant ce dernier d’être le dernier avatar du colonialisme.

Au Mali, la France a rempli sa mission dans des conditions jugées positives. Les groupes djihadistes ont été affaiblis à défaut d’être démantelés. Une solution politique a été mise en œuvre pour l’ensemble du Mali avec une transition démocratique pour l’instant réussie.

En Centrafrique, la situation est plus complexe. Il ne s’agit plus de lutter contre des terroristes plus ou moins identifiés mais de rétablir la paix dans des affrontements qui prennent des allures de guerre civile voire de guerre de religions. Au Mali, il était facile de prendre parti. En RCA, toute action dans un sens ou dans l’autre est interprétée comme une prise de position en faveur d’un des camps en présence et suscite la colère de l’autre partie. De plus, la transition politique s’avère beaucoup plus difficile dans un pays qui a connu d’innombrables coups d’Etat.

C’est bien là la limite de ce qui pourrait devenir la « doctrine Hollande ». Officiellement la France n’intervient en Afrique que pour suppléer les forces africaines défaillantes en attendant que celles-ci soient en mesure de mettre en pratique le principe « l’Afrique aux Africains ». Mais l’expérience des dernières décennies montre qu’il est aussi difficile d’organiser des forces panafricaines efficaces que de créer une Europe de la défense.