Si Jacques Attali noircit le trait en parlant de G « Vain » à propos du sommet qui vient de se tenir à Séoul entre les vingt représentants des plus grands pays de la planète, cette réunion ne restera pas dans les annales comme un grand succès. Aucun des objectifs qui avaient été fixés n’a été atteint. Nicolas Sarkozy, d’habitude prompt à souligner les avancées dues aux efforts, bien sûr, de la diplomatie française, l’a reconnu. Mais pour une fois, il n’avait pas intérêt à embellir la réalité. Il prend la présidence du G20 pour un an – et au début de 2011, celle du G8 —, et la comparaison risque d’être à son avantage. Il se trouve un peu dans la situation de tout nouveau dirigeant qui a tendance à critiquer la gestion de son prédécesseur pour lui faire porter la responsabilité des difficultés et mettre en valeur ses propres réussites, aussi limitées soient-elles.
Les plus optimistes noteront que le G20 de Séoul s’est mis d’accord pour récuser la « guerre des monnaies » et refuser toute forme de protectionnisme. C’est bien le moins qu’on pouvait en attendre. Il est bon que ces choses-là soient dites mais il aurait été mieux que des mesures concrètes soient décidées pour conjurer les dangers verbalement dénoncés. Avant la réunion des chefs d’Etat et de gouvernement, la Chambre internationale de commerce, dont le président a été reçu par les dirigeants sud-coréens, avaient discrètement tiré la sonnette d’alarme.
En 2009, ont-ils souligné, le commerce international a reculé de 12% et si un rebond est attendu cette année (+ 13,5%), cette reprise est fragile et surtout mal répartie. Une stabilisation des changes et la poursuite des négociations commerciales du cycle de Doha sont essentielles pour que la confiance des acteurs économiques revienne durablement.
Si le sommet de Séoul n’a accouché que de déclarations de pure forme sans engagement concret, les divergences profondes entre les grands Etats en est la cause. Mais la ligne de partage ne passe pas, ou ne passe plus, entre les pays industrialisés et les pays émergents, entre le nord et le sud ou l’ouest et l’est. Elle sépare les Etats qui ont des excédents commerciaux (et financiers) et ceux qui sont des balances commerciales et des balances des paiements lourdement déficitaires. D’un côté la Chine et l’Allemagne, de l’autre les Etats-Unis et beaucoup d’autres. Les deux premières se sont opposées avec succès à la fixation de plafonds d’excédents que voulait Washington. Si Berlin et Pékin ont accepté de fustiger les déséquilibres, Allemands comme Chinois considèrent qu’il revient à leurs partenaires de faire les efforts de compétitivité nécessaire à l’amélioration de leurs bilans. Les uns et les autres ne sont cependant pas exactement dans la même situation, les premiers agissant dans une économie ouverte avec une monnaie dont la valeur s’établit sur le marché, alors que les seconds, malgré la participation à l’Organisation mondiale du commerce, rusent avec les règles du libre-échange et contrôlent administrativement la valeur du yuan.
« Réformer le capitalisme »
Nicolas Sarkozy s’est donné, à plusieurs reprises, pour mission de « réformer le capitalisme ». Au moins, de réformer le système économique international. Il a fixé des objectifs ambitieux pour sa présidence du G20 : réformer le système monétaire international – les plus audacieux parlent d’un « nouveau Bretton Woods », référence à la réunion qui institua le Gold Exchange Standard après la deuxième guerre mondiale ; créer un mécanisme de stabilisation du cours des matières premières ; institutionnaliser le G20 en le dotant d’un secrétariat qui veille à l’application et à la continuité des décisions.
Il n’y parviendra certainement pas en un an étant donné l’immensité de la tâche et les différences de conception. Mais il lui suffira de faire quelques petits pas dans la bonne direction, d’impliquer ses collègues du G20 en multipliant les « séminaires » décentralisés au plus haut niveau, bref de donner l’impression qu’il s’agit chez lui d’une véritable volonté de réussir et pas seulement une vaine agitation. En espérant que les retombées politiques ne seront pas oubliées en 2012.