L’écologie au cœur du projet européen

Le grand projet européen capable de rassembler une majorité de citoyens autour d’une vision commune sera-t-il celui de la transition écologique ? Telle semble être aujourd’hui la direction prise par l’Union européenne pour tenter de se donner un nouvel élan au moment où le doute et la méfiance fleurissent dans de nombreux pays du Vieux Continent. Ce choix paraît particulièrement judicieux au lendemain d’élections européennes qui ont marqué une nette progression des Verts au Parlement de Strasbourg et fait apparaître un intérêt renouvelé des populations pour la défense de l’environnement.

Certes ce n’est pas la première fois que les dirigeants européens sont à la recherche d’une idée mobilisatrice qui réconcilierait l’Europe avec ses peuples. Jacques Delors a lancé naguère le grand marché puis la monnaie unique. Ses successeurs ont proposé de mettre en place une véritable union économique et monétaire, de bâtir une Europe de la défense ou de renforcer la démocratie et l’Etat de droit. Ces objectifs demeurent, comme celui d’une meilleure gestion des migrations dans le respect du droit d’asile. Mais ces questions suscitent trop de divisions entre les Etats membres pour servir de base à une refondation de l’Europe.

Sauver la planète

En revanche, la lutte contre le changement climatique et la volonté de réduire les émissions de gaz à effet de serre pour sauver la planète font désormais l’unanimité, ou presque, même si s’expriment encore de nombreuses réserves lorsqu’il s’agit de passer à l’acte. Qui refuserait de souscrire, au moins en paroles, à la défense d’un monde menacé par les effets de l’industrialisation sauvage ? Les enquêtes montrent que les opinions publiques sont plus sensibles que jamais aux thèmes de l’écologie et que l’UE peut enfin s’appuyer sur cette formidable prise de conscience pour faire valoir ses atouts.

La future présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, en a fait sa toute première priorité, elle que son passé de ministre de la famille, puis de la défense, en Allemagne ne prédisposait pas à la bataille contre le changement climatique. Son programme de « green deal », qui prévoit une importante réduction des émissions des gaz à effet de serre pour parvenir à la neutralité écologique en 2050, ne manque pas d’ambitions. Avec 1000 milliards d’euros d’investissements en dix ans et l’instauration d’une taxe carbone aux frontières, il va clairement dans le sens des revendications des Verts.

Ceux-ci, qui en veulent davantage, n’ont pas apporté leur soutien à la nouvelle présidente mais ils ont compris que leur rôle allait s’accroître dans les années à venir à mesure que l’écologie s’imposera, sous la pression de l’urgence, comme l’idéologie dominante en Europe, voire dans le monde. Les institutions européennes ont apparemment l’intention de s’en saisir pour répondre aux inquiétudes grandissantes des citoyens. Les Verts demandent d’ores et déjà que quatre commissaires soient issus de leurs rangs. Le nom de l’écologiste français Pascal Canfin, ancien ministre, circule pour le poste de commissaire au climat. Le portefeuille de l’énergie est revendiqué par plusieurs pays.

L’avantage de l’écologie est qu’elle touche à de nombreux domaines, de l’agriculture au commerce, en passant par la santé et l’industrie. Elle peut donc servir de moteur à une transformation globale des politiques européennes. En France, comme dans plusieurs pays, la plupart des partis politiques ont pris le tournant de l’écologie, même si des divergences subsistent sur la portée de leurs engagements et sur le détail des mesures qu’ils envisagent. Les « think tanks » européens animent d’ores et déjà le débat sur ces sujets. La Fondation Robert-Schuman évoque une « nouvelle donne politique » et souligne « la montée en puissance des sujets climatiques, environnementaux et sociaux ».

Un bien public mondial

De son côté, l’Institut Jacques Delors publie, sous la signature de Pascal Lamy, Geneviève Pons et Pierre Leturcq, une longue étude intitulée « Verdir la politique commerciale : oui, mais comment ? », qui présente une série de mesures pour rendre la politique commerciale de l’UE plus respectueuse de l’environnement. « L’importance accordée à la protection de l’environnement est l’un des principaux signaux politiques envoyés par les électeurs », note l’étude, qui ajoute : « Par nature, il s’agit d’une question de bien public mondial, donc mieux gérée au niveau de l’UE ».

La politique commerciale n’est qu’un exemple. Ce sont toutes les politiques européennes qui appellent, à la lumière du réchauffement climatique et de la nécessaire protection de l’environnement, une orientation nouvelle. Si, comme l’a dit Ursula von der Leyen devant le Parlement européen, « le défi le plus urgent est de garder notre planète en bonne santé », alors une occasion exceptionnelle se présente pour que l’Union européenne, en installant l’écologie en tête de ses préoccupations, justifie sa raison d’être.