L’éternel recommencement

Seul ou presque, le progrès technique réunit et mobilise encore les hommes face à un monde qui leur échappe au fur et à mesure qu’ils le découvrent. Ils prennent peur de cet inconnu. Ils se réfugient dans ce qui leur paraît le plus proche, l’appartenance nationale. Celle-ci est une défense, dont ils savent en retour faire une arme offensive contre les autres.

Dans ce mouvement qui est général, l’Europe constitue un cas particulier. Il ne peut pas s’agir de nationalisme car, si elle est peut-être une famille, elle n’est pas une nation. Avec elle, le nationalisme et celui des nations qui la composent réagissent non pas pour s’opposer au monde en général, mais pour se situer vis-à-vis de l’Union Européenne et de Bruxelles.

Quelle qu’en soit la forme, le nationalisme est avant tout existentiel. Il ne correspond pas à une solidarité générale telle celle dont rêvaient les tenants d’une gouvernance mondiale. L’interdépendance n’est pas la solidarité. Seules exceptions à ce nationalisme, les domaines de la santé et de l’environnement, mais leur traitement vise également à la sauvegarde de l’intégrité des uns et des autres.

Faut-il en déduire que le monde en formation, essentiellement constitué de particularismes, sera partout et avant tout porteur de conflits ? Le risque en est sérieux, les grands discours pacifiques ne pourront guère l’emporter.

Outre la persistance d’un besoin de paix cohabitant en chacun avec le désir de guerre, une autre évolution est possible, celle conduisant plusieurs nations à chercher à s’unir, soit contre les dangers venant de tierces nations, soit contre la menace de phénomènes naturels, soit contre les conséquences de redoutables avancées techniques.

Ainsi, après combien de détours et de crises, on en reviendrait à une géographie comparable à celle que nous connaissons aujourd’hui. La géopolitique ne serait qu’un éternel recommencement.