L’intervention au Mali augmente le danger d’attentats dans tous les pays de l’UE, explique un rapport confidentiel rédigé par le coordinateur européen pour la lutte contre le terrorisme Gilles de Kerchove. Car il reste des djihadistes dans le nord du Mali qui opèrent dans toute la région du Sahel et des éléments européens formés dans ces mouvements peuvent opérer dans l’UE. Gilles de Kerchove a remis son rapport, jeudi 7 mars, aux ministres européens de l’intérieur réunis à Bruxelles pour une réunion qui n’avait pas été annoncée.
Les détails de la discussion ne sont pas connus. Le ministre allemand de l’intérieur, Hans-Peter Friedrich s’est contenté de déclarer à la presse que de plus en plus de djihadistes européens se rendaient en Syrie. Ils y seraient mieux accueillis que par les groupes opérant en Afrique.
Recrutement de nouveaux terroristes
Le rapport cite les résultats d’enquêtes de l’institution européenne, Europol, selon lesquelles de nombreux terroristes et extrémistes utilisent abondamment Internet et les réseaux sociaux pour lancer « des discours et des menaces hostiles à la France et à l’Europe » à propos de la situation au Mali. L’intervention de la France et la mission européenne de formation de l’armée malienne sont condamnées comme une agression contre l’islam. Le fait que quelques pays arabes aient critiqué l’attitude de l’Europe complique encore la situation. Le risque existerait que cette critique vis-à-vis de l’Europe soit utilisée comme un moyen pour recruter de nouveaux terroristes et qu’en particulier elle conduise à une radicalisation des étrangers vivant en Europe, qui n’étaient pas sensibles jusqu’à maintenant à la propagande d’Al Qaida.
L’UE a jusqu’ici toujours considéré l’intervention française au Mali et la mission européenne de formation de l’armée malienne comme une contribution à la lutte contre le danger terroriste et contre le trafic de drogue au Sahel. Le rapport de Kerchove, qui a été préparé en collaboration avec la Commission et avec le Service européen d’action extérieure, conteste cette version. Il souligne expressément que l’opération « Serval » a écarté « la plus grande menace », à savoir la prise des grandes villes du Nord-Mali par des groupes terroristes et leur avancée jusqu’à la capitale Bamako. Cependant il y a toujours un « grand nombre » de terroristes bien formés et bien armés dans le nor du pays, dont la « neutralisation » prendra du temps.
Danger de la part d’individus isolés
De Kerchove écrit qu’en Europe le principal danger vient d’individus isolés. Il existerait encore un grand risque d’attentats contre d’importantes infrastructures dont l’exemple pourrait être l’attaque contre les installations gazières d’In Amenas en Algérie. En Europe toutefois, il pourrait s’agir plutôt d’attentats par des personnes travaillant à l’intérieur de ces installations que de prises d’otages par des terroristes venant de l’extérieur. Un « nombre significatif » de citoyens de l’UE voyagerait actuellement vers la Libye ou la Syrie, pour s’y former à la guerre sainte et pour combattre. « Des centaines de djihadistes bien formés pourraient rentrer en Europe et augmenter le risque d’attentats terroristes. »
La situation sécuritaire dans la zone du Sahel et au Maghreb, qui ne sont séparés de l’Europe que par la Méditerranée, est qualifiée dans l’ensemble de mauvaise dans le rapport. L’affaiblissement voire la disparition des organes de sécurité qui sont la conséquence des printemps arabes dans un certain nombre de pays de la rive sud, offre une plus grande marge de manœuvre aux groupes terroristes. Il coulerait « un flot » d’armes et de combattants dans la région en provenance de la Libye et de la Syrie, encore renforcé par l’indigence des contrôles frontaliers. Le nombre des groupes terroristes dans la région s’est accru, comme la coordination entre eux, conclut le rapport.