Cet effacement silencieux de la Commission se manifeste dans d’autres secteurs. Ainsi, la Commissaire à l’agriculture Mme Fischer-Boell s’avère incapable, depuis des semaines, d’articuler un discours cohérent face à la crise alimentaire mondiale qui concerne l’Europe à de nombreux titres. Malgré les demandes de Michel Barnier et de plusieurs de ses collégues ministres de l’agriculture et de toutes les organisations professionnelles européennes, elle s’entête à rabacher des propositions de mesures diverses et sans lien qui, de l’avis d’experts indépendants, ne sont pas à la hauteur des enjeux.
Anecdote récente : Michel Barnier avait organisé à Annecy un conseil des ministres informel pour réfléchir à l’avenir de l’agriculture. Il demanda à Mme Fischer-Boell de faire part de ses réfléxions sur le sujet. Elle refusa de s’exprimer... On est loin de l’époque où Sicco Mansholt venait défendre son plan pour l’agriculture devant tous les responsables déchaînés de l’agriculture bretonne et terminait son exposé dans son français rocailleux, veste tombée et en nage, mais sous les applaudissements de ses contradicteurs...
Il se peut bien que Mme Fischer-Boell et M.Barroso ne soient pas des génies et qu’ils soient dépassés par les événements. Mais c’est toute la Commission qui semble frappée de langueur et d’impuissance. Or il y a en son sein des gens intelligents et expérimentés, comme Joachim Almunia, Jacques Barrot, il y a peu encore Peter Mandelson... On ne peut donc pas se contenter d’incriminer le faible niveau de quelques-uns.
Sans doute le passage à 27 commissaires a-t-il affaibli le collège en tant qu’organe collectif. Porte-paroles de bureaucraties parfois minuscules, sans vue d’ensemble, de nombreux commissaires sont redevenus de simples représentants des Etats membres, empêchant la Commission de dégager l’intérêt général de l’Union. Les auteurs du traité constitutionnel avaient bien vu le risque en proposant de réduire le nombre de commissaires.
A cette explication institutionnelle, assez mécaniste, s’en ajoute une autre, plus politique. Tous ces commissaires, cinquantenaires ou soixantenaires, conservateurs ou sociaux-démocrates, appartiennent à la génération post-reaganienne de la dérégulation généralisée et ils ne comprennent pas bien ce qui se passe, encore moins savent-ils ce qu’il faut faire. N’a-t-on pas entendu, alors que les chefs d’Etat décidaient en catastrophe d’aider leurs grandes banques pour conjurer le désastre, les commissaires à la concurrence et au marché intérieur se demander si de telles mesures étaient bien conformes ....aux régles de la concurrence ! A Bruxelles aussi, le ridicule ne tue plus...
Pour toutes ces raisons, le conseil européen devrait prendre trés au sérieux le renouvellement de la Commission en 2009 en y envoyant des personnalités de premier plan, encore jeunes et imaginatives, animées d’un esprit européen. Les grands partis européens devraient y veiller au moment des élections et faire connaître leurs candidats. Un réveil de la Commission est une condition indispensable du bon fonctionnement de l’Union dans cette période où nous aurons besoin de sa détermination.