La cause était entendue. La France devait réintégrer la structure militaire intégrée de l’OTAN que le général De Gaulle lui avait fait quitter en 1966. L’annonce devait en être faite lors du sommet de l’Alliance atlantique, le 3 et le 4 avril, qui marquera à Strasbourg et à Kehl le 60è anniversaire de cette organisation. Des doutes sont-ils récemment apparus ? C’est ce que croit savoir un chroniqueur de l’International Herald Tribune, John Vinocur, qui écrit le 27 janvier que Nicolas Sarkozy hésite maintenant à « abandonner un morceau de l’indépendance de la France pour n’en tirer quasiment aucun profit ». Le président de la République chercherait à obtenir des concessions de Barack Obama, sous la forme par exemple de la reconnaissance d’un élément européen fort au sein de l’OTAN.
Conditionnalité
Quand il a commencé à parler de réintégration de la France dans le commandement intégré, Nicolas Sarkozy avait posé une condition : qu’entre temps la défense européenne ait enregistré des progrès suffisants pour que l’Union européenne apparaisse comme un partenaire parlant d’égal à égal avec les Etats-Unis. Un bilan devait être tiré à la fin 2008. Force est de constater que la défense européenne a très peu avancé, y compris pendant la présidence française. Les résultats ne peuvent servir à justifier le rapprochement de la France et de l’OTAN.
Dans l’intervalle, toutefois, le président de la République avait cessé de parler de conditionnalité. Les progrès de la défense européenne n’étaient plus présentés comme une sorte de préalable à la réintégration. Au contraire, celle-ci était vue comme la condition des avancées en matière de défense européenne. En réintégrant la structure militaire de l’OTAN, la France faisait taire la méfiance provoquée par ses discours sur l’indépendance européenne.
Pour étayer ses interrogations sur la position actuelle de la France, John Vinocur se réfère à des déclarations de Bruno Le Maire, nouveau secrétaire d’Etat aux affaires européennes, au cours d’un récent colloque sur les relations transatlantiques. Bruno Le Maire a mentionné trois points : premièrement, l’Europe doit avoir sa propre doctrine sur l’Iran ; deuxièmement, l’OTAN doit redéfinir son rôle lors du sommet d’avril « afin que nous sachions dans quelle organisation nous entrons » ; troisièmement, l’Europe doit se doter à Bruxelles d’un quartier général pour ses opérations militaires.
Manoeuvres de retardement
Ces points ne sont pas nouveaux mais dernièrement ils étaient passés sous silence. Pour le journaliste du Herald Tribune, une doctrine vis-à-vis de l’Iran doit être concertée avec les Etats-Unis ; l’OTAN a passé ces dernières décennies à redéfinir don rôle et le quartier général européen est une chimère qui ne verra jamais le jour étant donné l’opposition britannique. C’est pourquoi il considère les propos du secrétaire d’Etat comme une manœuvre de retardement.
Dans quel but ? Peut-être en vue d’une sorte de grand marchandage avec Barack Obama. Si celui-ci estime que la réintégration de la France dans le commandement de l’OTAN, l’envoi de nouvelles troupes françaises en Afghanistan, etc. sont dans l’intérêt des Etats-Unis, il pourrait être tenté de laisser Nicolas Sarkozy présenter sa rupture avec le dogme gaullien comme une grande victoire diplomatique de la France.