La Géorgie, un an après

Un an après la guerre russo-géorgienne d’août 2008, Salomé Zourabichvili, ancienne ministre des affaires étrangères de Géorgie et dirigeante du Parti pro-européen « la Voie de la Géorgie », tire un bilan contrasté des événements.

Il y a un an avait lieu l’offensive géorgienne lancée sur Tskhinvali suite à des provocations russes, opération qu’aujourd’hui le Président géorgien qualifie lui-même de « suicidaire ». Avec le recul, le bilan est contrasté. La Géorgie a tout perdu : 20% de territoires en plus de ceux qui étaient déjà contrôlés par les sécessionnistes d’Abkhazie et d’Ossétie du sud ; des pertes humaines par centaines, une nouvelle vague de réfugiés sur son territoire, la fuite des investisseurs, l’effondrement économique, une armée en déroute, la fin des perspectives « otaniennes » à court ou moyen terme.

Bilan plus positif pour la direction russe qui a démontré sa puissance, sans sacrifier pour autant ses relations avec l’Occident qui sont revenues en quelques mois à la normale et connaissent même depuis la visite de Barack Obama à Moscou (6 au 8 juillet 2009) un certain réchauffement.

Bilan moins dramatique pour le Président Saakachvili que pour son pays : cette guerre, intervenant après une année de contestation populaire faisant suite à la répression brutale du 7 novembre 2007, lui aura permis de ressouder la population autour de l’ennemi ancestral. Permis aussi de faire passer par pertes et profits la crise économique et financière frappant de plein fouet une économie encore fragile. Permis de faire taire une opposition qui a décrété un moratoire jusqu’au retrait des forces russes. Permis enfin de générer une vague de sympathie et de compassion auprès de ses partenaires occidentaux, prompts à plaindre et soutenir le David Géorgien contre le Goliath russe, la petite démocratie contre le géant autocratique.

Un an après, la Géorgie se porte toujours aussi mal : les entités séparatistes ont été reconnues indépendantes par la Russie, même si elle reste seule à le faire ; les incidents sont permanents sur une frontière que personne ne contrôle, l’ONU comme l’OSCE ayant quitté ces zones de conflit, ne laissant que la seule mission de l’Union européenne opérant sur seul territoire géorgien et donc incapable de vérifier ce qui se passe de l’autre côté. La phraséologie du régime géorgien, clamant d’abord la victoire au mépris de toute réalité sur le terrain puis déclarant son intention de rester en état de guerre jusqu’à la victoire finale, n’a rien fait pour rétablir la confiance d’investisseurs étrangers raréfiés par la crise mondiale.

Saakachvili a besoin de redorer son blason. Les enquêtes diligentées par l’UE, les révélations successives ont levé le voile sur les événements d’aout dernier. Personne aujourd’hui ne conteste que c’est bien Saakachvili lui-même qui a déclenché les hostilités militaires, poussé à la faute par la Russie, mais coupable de n’avoir pas su y résister. Il en résulte pour lui une perte de crédibilité à l’extérieur et de légitimité à l’intérieur, où la question de la défaite est venue alimenter une contestation qui a pris de l’ampleur ce printemps. Il a aussi perdu avec le départ de George W.Bush un ami personnel et complaisant sur ces manquements de plus en plus affirmés à la démocratie. La visite à Tbilissi du vice-président Joe Biden en juillet a établi désormais une distinction entre un soutien à l’état géorgien, qui sera sans faille, et le soutien au régime, qui dépendra de la réalisation des promesses démocratiques.

Ne pouvant plus compter sur un soutien inconditionnel, et moins encore sur le soutien populaire qui a fondu ces derniers mois, Saakachvili pense peut être qu’il peut refaire le tour de passe-passe d’août dernier et chercher dans le conflit la légitimité qui lui échappe par ailleurs. Mais l’histoire ne repasse pas les plats. Et les partenaires de la Géorgie devraient comprendre qu’aujourd’hui le Président Saakachvili, plus qu’une victime, est en lui-même un problème pour la stabilité de la région et pas seulement pour la démocratie en panne de son pays. La solution n’est plus dans la fuite en avant, qui ne peut bénéficier cette fois encore qu’à une Russie toujours prête à exploiter les fautes de son petit voisin. C’est en étant plus exigeant vis-à-vis de la démocratie en Géorgie que l’on peut le mieux conforter la sécurité de ce pays et la stabilité d’une région où bientôt le gaz de Nabucco devrait transiter.