Rendues nécessaires par l’impossibilité de dégager une majorité de gouvernement, tant à droite qu’à gauche, après le scrutin du 27 janvier 2007, les élections anticipées du 18 janvier 2009 dans le Land de Hesse, ont surpris par la netteté des résultats. La CDU du chef du gouvernement sortant, Roland Koch, stagne à un niveau modeste, mais la vigoureuse poussée des libéraux du FDP lui donne une confortable majorité pour gouverner. L’unique et grand perdant est le SPD qui, après deux tentatives infructueuses de former un gouvernement minoritaire SPD-Verts toléré par la gauche radicale (Die Linke), tombe à son niveau le plus bas depuis 1946. Comme le FDP, les Verts connaissent une nette progression. Entrée pour la première fois de justesse au Landtag en janvier 2008, Die Linke s’y maintient, confirmant ainsi l’existence d’un nouveau système politique avec cinq partis parlementaires.
La stagnation de la CDU a beaucoup surpris. Roland Koch serait-il durablement affaibli par sa campagne électorale de 2008 aux accents populistes et xénophobes et victime de la frustration des électeurs CDU, mécontents de la politique socio-économique d’Angela Merkel ? Le parti relativise sa déception en relevant que l’écart avec le SPD se creuse et que surtout la coalition avec le FDP redevient possible. Il convient toutefois de souligner que la CDU (et la CSU en Bavière) a reculé à toutes les élections régionales, parfois de façon substantielle, depuis l’installation d’Angela Merkel à la chancellerie, fin novembre 2005.
Profitant des préventions contre Roland Koch et la CDU, le FDP enregistre une étonnante progression de 9,4% à 16,2%, la plus forte (+6,8 points) de tous les partis. Pour les libéraux, il faut remonter à 1954 pour se rapprocher d’une performance semblable. Les coalitions entre chrétiens-démocrates et libéraux, dites « bourgeoises », fréquentes autrefois, s’imposent à nouveau, en tous cas à l’ouest. Outre la Hesse, de telles coalitions existent aussi dans le Bade-Wurtemberg, en Basse-Saxe, en Rhénanie du Nord-Westphalie et en Bavière, ces cinq Länder comptant 55 millions d’habitants sur les 82 millions de la République fédérale. De toute évidence la CDU-CSU et le FDP feront campagne pour une telle coalition au niveau fédéral lors des élections de septembre.
Très sévère, la défaite annoncée du SPD s’inscrit dans une tendance de fond à l’érosion qui remonte à 1970. On peut se demander si après cette douloureuse expérience, le parti sera en mesure de sortir des 25% d’intentions de vote dans lesquelles les sondages l’enferment depuis des mois au niveau fédéral. Est-il épuisé par sa participation au gouvernement fédéral depuis 1998 ? A-t-il dû accepter des orientations qu’une partie de ses membres et de son électorat refusaient ? Indépendamment des querelles de personnes et de tendances, la confiance de l’opinion dans la capacité du SPD à résoudre les problèmes du pays a fortement baissé. Le nombre des adhérents des partis recule aussi régulièrement.
Les nouveaux rapports de force en Hesse vont affecter le fonctionnement du Bundesrat et permettre au FDP de jouer un rôle déterminant en disposant d’une minorité de blocage. Les élections en Hesse affectent aussi la composition de la Bundesversammlung (l’Assemblée fédérale), chargée d’élire le président de la République fédérale.
L’élection présidentielle se déroulera le samedi 23 mai. Le président sortant, Horst Köhler, CDU, se représente pour un second mandat de cinq ans. Deux personnalités ont annoncé leur candidature. Gesine Schwan, SPD, déjà candidate en 2004, est une politologue très connue qui a présidé l’université de Francfort/Oder. L’acteur Peter Sodann est présenté par Die Linke. Des surprises ne sont pas à exclure.
Quels bouleversements politiques en un an ! Les majorités entre chrétiens-démocrates et libéraux s’imposent de nouveau, du moins à l’Ouest. Préfigurent-elles la coalition qui sortira des urnes au niveau fédéral en septembre ? Comme le SPD écarte toute alliance avec Die Linke au niveau fédéral, on peut spéculer aussi sur une peu probable "coalition tricolore" (CDU/CSU, FDP, Verts ou SPD, Verts, FDP) ou sur le maintien de la grande coalition. Dans tous les cas, Angela Merkel semble bien placée pour assumer sa propre succession.