La Russie isolée ?

Face à l’engagement militaire en Syrie de la Russie qui a repris ses bombardements sur Alep après quelques jours de répit, les Etats occidentaux disposent d’un nombre limité de moyens de pression. Ils ne veulent pas – et il est difficile de leur donner tort – risquer une confrontation directe avec Moscou. Ils continuent à hésiter à livrer aux groupes d’opposition des armes qui pourraient tomber dans les mains des djihadistes.
Outre l’aggravation des sanctions qui ont été décidées en 2014 après l’annexion de la Crimée et la guerre dans l’est de l’Ukraine, ils comptent donc sur l’isolement croissant de la Russie sur la scène internationale. C’est un argument que répète le ministre français des affaires étrangères. Sa portée paraissait modeste. Jean-Marc Ayrault est allé lui-même à Moscou le soutenir devant son collègue russe, Sergueï Lavrov, qui n’en a pas paru particulièrement impressionné. La crainte de l’isolement n’a pas dissuadé la Russie de mettre au Conseil de sécurité de l’ONU son veto à la récente résolution française qui demandait l’arrêt des frappes sur Alep. La Chine, alliée constante de Moscou en Syrie, s’était, elle, abstenue.
A l’Assemblée générale de l’organisation internationale en revanche, la Russie — et les autres « grandes puissances » non plus —, ne disposent d’un droit de veto. Les 193 Etats représentés votent selon le principe un pays, une voix. Et là, la désapprobation de la politique menée par le Kremlin en Syrie a été manifeste. Vendredi 28 octobre, l’ONU devait désigner les deux représentants de l’Europe de l’Est au Conseil des droits de l’homme de l’ONU. La Russie faisait jusqu’à maintenant partie de cet aréopage de 14 membres dont le bilan en matière de défense des libertés individuelles et collectives n’est pas à l’abri de tout reproche. Siègent en son sein des pays dont les régimes ne sont pas les meilleurs juges du respect des droits de l’homme.
Il reste que cette année il y avait pour l’Europe de l’Est trois candidats pour deux postes et que la Russie a été devancée par la Hongrie et par la Croatie, perdant ainsi sa place. Sur les 193 représentants à l’AG de l’ONU, 144 ont voté pour la Hongrie, 114 pour la Croatie, et seulement 112 pour la Russie, qui a été ainsi éliminée.
Nul doute que Vladimir Poutine se remettra de ce revers et qu’il trouvera dans de sombres manœuvres de ses ennemis extérieurs les raisons de cette défaite. Il pourrait ajouter, mais c’est un argument qu’il aurait mauvaise grâce à utiliser, que la Croatie et a fortiori la Hongrie de Viktor Orban ne sont pas des parangons de vertus démocratiques.
Il n’en reste pas moins que le vote de l’ONU est un désaveu dont le président russe aurait tort de ne pas tenir compte. Il montre les limites de la politique de puissance que la Russie déploie depuis quelques années, non seulement dans son étranger proche pour regagner des positions perdues il y a un quart de siècle après la disparition de l’URSS, mais aussi dans des contrées plus lointaines dont certaines appartenaient à la zone d’influence soviétique. Vladimir Poutine met tout en œuvre, y compris la force militaire, pour que son pays redevienne l’interlocuteur privilégié des Etats-Unis. Il ne peut ignorer que cette stratégie se heurte à la résistance d’une grande partie de la communauté internationale. Le vote de l’ONU en apporte la preuve.