Sur un peu plus de 8 millions d’électeurs inscrits, seuls un peu plus de 3 millions se sont déplacés aux urnes, alors qu’ils étaient un peu plus de 4 millions en octobre 2011 pour les élections à l’Assemblée constituante. Le parti islamiste Ennahda qui s’était placé en tête aux précédents scrutins sans avoir réussi à obtenir la majorité a été classé deuxième après le parti Nidaa Tounès dirigé par un vieux cacique de l’ancien régime, Béji Caïd Essebsi, qui se présente à la présidentielle alors qu’il fêtera ses 88 ans.
Cette année, comme en 2011, le vainqueur devra nouer des alliances pour pouvoir gouverner. La tâche sera difficile car Nidaa Tounès est une coalition hétéroclite unie dans son opposition aux islamistes d’Ennahda mais menacée d’éclatement en cas d’alliance avec celui-ci. D’un autre côté, les petits partis ont une trop modeste assise politique pour pouvoir peser sur le débat.
Une économie en mal d’investissements
L’économie tunisienne est atone et portée à bout de bras par les institutions financières internationales. Coincée entre une Libye en guerre civile larvée et une Algérie aux institutions paralysées, la « petite » Tunisie a du mal à attirer investisseurs et touristes, poumons de son économie.
Premier pays du Sud de la Méditerranée à signer, en 1995, un accord d’association avec l’Union européenne, la Tunisie vantait alors son taux de croissance annuelle chiffré officiellement à plus de 7%, sa stabilité et sa sécurité. On a vu en janvier 2011 ce qu’il en est advenu : un dictateur chassé du pouvoir par une révolution populaire et un régime autoritaire qui s’effondre comme un château de cartes.
Depuis, les institutions financières internationales ont battu leur coulpe : en clair, la Tunisie n’était pas le modèle tant vanté et la corruption endémique n’a pas été suffisamment dénoncée.
Une société civile dynamique et éclairée
L’ennui est que nous retombons actuellement dans les mêmes erreurs d’appréciation et les mêmes clichés : la Tunisie, inspiratrice du « printemps arabe », est le seul pays qui ne soit pas secoué par une guerre civile comme en Libye, en Syrie et au Yémen ou qui a dû renverser par un coup d’Etat des islamistes arrivés au pouvoir comme en Egypte.
Certes, les élections législatives tunisiennes ont été transparentes et le jeu démocratique a fonctionné. Mais dans un pays où le régime de parti quasi unique est au pouvoir depuis l’indépendance en 1956 et le pouvoir absolu de Habib Bourguiba qui a duré péniblement durant une trentaine d’années, suivi par la chape de plomb instaurée en 1987 par Zine el Abidine Ben Ali jusqu’à son départ forcé en janvier 2011, la vie politique tunisienne manque pour le moins de vigueur.
Médiocrité de l’offre politique
On peut toujours gloser sur le respect du jeu démocratique par le parti islamiste Ennahda, mais le manque d’enthousiasme des électeurs à se rendre aux urnes est significatif de la médiocrité de l’offre politique proposée à une société civile tonique et éclairée.
Le capital de la Tunisie n’est pourtant pas négligeable : une constitution démocratique, une administration qui fonctionne, une société civile dynamique et une ouverture vers l’Europe que peuvent lui envier de nombreux pays d’Europe orientale ou du bassin méditerranéen.
On peut craindre que la période de transition qui se prolonge ne paralyse la dynamique de la vie politique si une alliance entre les caciques de l’ancien régime, regroupés autour de la coalition de Nidaa Tounès, et les islamistes d’Ennahda est la seule solution trouvée pour prendre des décisions économiques douloureuses et nécessairement impopulaires. On peut craindre aussi de retomber dans les travers d’un régime autoritaire.
La douce « révolution du jasmin » ne sera alors qu’un lointain souvenir.