Aux Etats-Unis, où elle est née, la crise a déjà ruiné une vision du capitalisme née de l’ère Reagan et dont George W. Bush s’est fait le champion : nul, désormais n’ose plus affirmer qu’une faible imposition, une régulation minimale et une réduction du périmètre de l’Etat constituent les leviers de la croissance économique. Alors qu’il y a un an la plupart des observateurs misaient sur une victoire du républicain John McCain, fondant leur pronostics sur le conservatisme de l’Amérique profonde, il y a aujourd’hui de fortes chances pour que Barack Obama l’emporte le 4 novembre prochain, porté par le désir des Américains de tourner une page de leur histoire économique.
En France, la crise conduit Nicolas Sarkozy à changer de posture idéologique et à occuper tout l’espace politique. Elle lui permet de se dédouaner de ses propres erreurs économiques. Elle l’amène plus encore à concentrer entre ses mains tous les pouvoirs. La gestion de la crise se fait à l’Elysée et par l’Elysée seul ! Le Premier ministre n’existe plus sinon pour célébrer le dynamisme et le sang froid du chef de l’Etat en pareille circonstance. Nicolas Sarkozy est sur tous les fronts, recevant tour à tour ses homologues européens, les banquiers centraux, les présidents de banques et de sociétés d’assurance et les représentants des entreprises. Il décide de tout.
En capitaine protecteur dans la tempête, il fait oublier sa part de responsabilité dans les difficultés que traversaient déjà le pays avant même le déclenchement de la crise. La gauche peut bien sans cesse brandir les malheureux dix ou quinze milliards dépensés en pure perte avec le paquet fiscal accordé l’an passé, cette somme paraît aujourd’hui dérisoire au regard des dizaines de milliards que les Etats et les banques centrales sont contraints de remettre dans la machine financière pour tenter de la dégripper.
Plus spectaculaire encore est le changement de cap politique de Nicolas Sarkozy. Le président de la République n’affiche plus l’admiration qu’il nourrissait il y a quelques mois encore pour le modèle américain. Le président a troqué le veston libéral pour la redingote étatiste. Volontarisme d’Etat, interventionnisme tous azimuts, relance inavouée au risque d’une augmentation des déficits et d’un creusement de la dette, accompagnement financier des entreprises, nationalisation des établissements défaillants, développement des emplois subventionnés, le président français applique sans complexe les vieilles recettes de la gauche sociale-démocrate.
L’opposition n’en est que plus déstabilisée. Elle est prise à contre-pied par la crise. L’espace politique des socialistes est préempté par le chef de l’Etat au moment même où ils étaient en train de se convertir au libéralisme, courant après ce qu’ils pensaient être la modernité ! Et c’est l’aile gauche du PS, jugée hier archaïque, qui aurait plutôt aujourd’hui le vent en poupe !
Un McCain en perdition, un Nicolas Sarkozy qui vante le rôle de l’Etat, un conseiller présidentiel qui se moque des critères de Maastricht, un Gordon Brown qui nationalise les banques, Une Angela Merkel qui met à contribution le trésor allemand, des socialistes contraints de revoir leur copie pour un congrès dont les débats semblent par avance dérisoires…La crise n’a pas fait que déstabiliser le système bancaire ; elle a aussi bousculé tous les repères politiques.