La défense de l’Europe change de têtes

Les deux principales institutions européennes chargées de la défense du Vieux continent se donnent de nouveaux chefs. Le secrétariat général de l’OTAN passe des mains du Néerlandais Jaap de Hoop Scheffer à celles du premier ministre danois Anders Fogh Rasmussen. La direction de la politique extérieure et de sécurité de l’Union européenne, placée depuis dix ans sous l’autorité de l’Espagnol Javier Solana, va être confiée à un nouveau haut représentant, dont le nom n’est pas encore connu mais dont la désignation doit avoir lieu avant la fin de l’année.

Ce renouvellement de personnel à la tête de l’Alliance atlantique comme à celle de la diplomatie de l’UE va de pair avec une relance nécessaire de la réflexion sur le rôle de ces deux organisations dans le monde de l’après-guerre froide.

Comme le souligne un expert, Antonio Missiroli, dans une note du European Policy Centre (www.epc.eu), l’OTAN et l’UE ont connu l’une et l’autre une triple expansion au cours des dernières années : le nombre de leurs membres s’est accru, leur champ géographique s’est étendu et leurs fonctions se sont élargies. Ces changements rendent plus pressante la recherche d’une réponse aux questions qui se posent aux nations européennes depuis l’effondrement du communisme.

L’Europe face à la Russie

A quoi sert l’OTAN, une organisation militaire qui s’est construite largement contre la menace de l’Union soviétique ? Jusqu’où doit-elle s’étendre ? Doit-elle prendre le risque de provoquer la colère de la Russie en accueillant des pays issus de l’ex-URSS tels que l’Ukraine ou la Géorgie ? Avec la question de l’Afghanistan, où l’OTAN est fortement engagée, celle des relations avec Moscou sera l’une des préoccupations majeures du nouveau secrétaire général.

Du côté de l’UE, les interrogations porteront sur la capacité des Européens à s’unir pour peser sur la scène internationale. Face à la Russie mais aussi face à la Chine et face aux Etats-Unis, l’Union européenne devra faire la preuve qu’elle est apte à surmonter ses divisions pour définir une position commune.

Anders Fogh Rasmussen aura notamment pour tâche d’animer le débat sur le nouveau « concept stratégique » que doit adopter l’Alliance. Il lui faudra contribuer à l’élaboration d’un compromis entre les Américains, qui veulent assigner à l’OTAN une mission « globale » et ceux des Européens qui, comme l’Allemagne et la France, préfèrent s’en tenir à un rôle strictement régional.

L’Union européenne, pour sa part, dispose déjà, grâce à la ténacité de Javier Solana, d’une Stratégie européenne de sécurité, adoptée pour la première fois en 2003. Il appartiendra au futur haut représentant de l’Union de veiller à l’application de ce programme, récemment actualisé, qui peut générer de nouvelles divergences entre l’Europe et ses principaux partenaires.

Les relations avec le monde musulman

L’une des questions majeures auxquelles devront répondre les Européens, que ce soit dans le cadre de l’OTAN ou dans celui de l’UE, est celle des relations entre l’Europe et le monde musulman. Depuis que Barack Obama a succédé à George W. Bush à la présidence des Etats-Unis, la perspective d’un « choc des civilisations » entre un « Occident » conquérant et un « Orient » menaçant a heureusement perdu une part de sa crédibilité.

Les nouveaux responsables de la défense européenne feront œuvre utile s’ils se donnent pour objectif d’apaiser les tensions et de favoriser la négociation partout où elle est possible. De ce point de vue, la façon dont ils aborderont les dossiers de l’Afghanistan, de l’Irak, de l’Iran, du Proche-Orient seront des tests décisifs.

L’affaire des caricatures, lancée par la presse danoise, a nui à l’image d’Anders Fogh Rasmussen dans le monde islamique au point que la Turquie s’était, dans un premier temps, opposée à sa candidature. Il lui faudra montrer qu’en dépit de son soutien à George W. Bush il ne reprend pas à son compte l’esprit de croisade de l’ancien président américain.

Quant au successeur de Javier Solana, il devra, lui aussi, faire face à la question turque. L’un des candidats les plus souvent cités pour ce poste, le ministre des affaires étrangères suédois Carl Bildt, est un ardent partisan de l’adhésion de la Turquie à l’Union. Nicolas Sarkozy, qui y est hostile, a même ajourné un déplacement en Suède pour éviter d’afficher ce désaccord. La division de l’UE face à la Turquie va continuer d’être un obstacle à l’amélioration des relations entre l’Europe et l’Islam.