La gauche allemande a son candidat, mais pour quel poste ?

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Peer Steinbrück, le candidat à la chancellerie désigné par la direction du Parti social-démocrate il y a quelques semaines a été officiellement intronisé par un congrès extraordinaire de Hanovre avec 93,75% des voix. Une belle victoire même si c’est quelques points de moins que sa rivale, Angela Merkel qui a obtenu 97,9% des suffrages des délégués de la démocratie chrétienne.

Pour Peer Steinbrück, un tel résultat n’allait pas de soi. Ancien ministre des finances d’Angela Merkel dans le gouvernement de grande coalition (2005-2009), il était la bête noire de la gauche social-démocrate. Sa politique budgétaire rigoureuse, poursuivie par son successeur Wolfgang Schäuble, ne lui avait pas valu que des amis. Il a encore aggravé son cas par son activité de conférencier, depuis qu’il a quitté le gouvernement, mais pas le parlement, qui lui a rapporté plus de 1,5 million d’euros l’année dernière. Pas vraiment une bonne rampe de lancement pour fustiger la politique de la chancelière ou les « mini-jobs » à 400 € par mois, d’ailleurs inventés par Gerhard Schröder, le mentor de Peer Steinbrück.

D’ailleurs les premiers pas du candidat avaient été calamiteux. Peer Steinbrück n’était pas le favori de la base social-démocrate qui lui aurait préféré Sigmar Gabriel, le président du parti, voire Frank-Walter Steinmeier, l’ancien ministre des affaires étrangères et candidat malheureux en 2009. Mais le premier a été jugé trop apparatchik pour attirer les électeurs centristes et le second s’est désisté, essentiellement pour des raisons familiales. De la troïka qui dirige le SPD ne restait donc que Peer Steinbrück.

Force est de constater que ce dernier a profité du congrès de Hanovre pour relancer sa campagne. De l’avis de tous les observateurs, il a prononcé un discours mobilisateur. Il ne s’est pas contenté de donner une teinte légèrement plus rouge à la politique menée par Angela Merkel – dans la continuité de la politique du second mandat Schröder (2002-2005) puis de la grande coalition CDU-SPD. Il a su s’élever au-dessus du pragmatisme au jour le jour pour retrouver les accents traditionnels de la social-démocratie allemande. Peer Steinbrück a invoqué la « nostalgie » dont serait atteinte la société allemande, « nostalgie pour plus de mesure, d’équité et de justice sociale », face aux excès du capitalisme financier et à la paupérisation d’un nombre croissant de ses concitoyens. Il a même annoncé des hausses d’impôts pour les Allemands les plus riches.

Le candidat SPD à la chancellerie aura pourtant beaucoup de mal à s’imposer face à Angela Merkel, qui bat les records de popularité avec 70% d’opinions favorables. Les sondages créditent la démocratie chrétienne d’un score plus modeste (39%), supérieur toutefois à celui du SPD (30%). D’ici les élections du 22 septembre 2013, le rapport de forces peut évoluer, mais peut-il se renverser ? C’est peu probable. Les sociaux-démocrates vont faire campagne pour une coalition avec les Verts qui sont crédités d’un bon résultat (14%), insuffisant toutefois pour faire une majorité rouge-verte, une alliance avec la gauche radicale Die Linke étant exclue.

Au centre-droit, la situation n’est pas plus claire. Angela Merkel aura sans doute du mal à reconstituer une coalition avec les libéraux qui ont chuté dans les intentions de vote, à un point tel qu’ils ne seront peut-être pas représentés au Bundestag. Elle pourrait s’allier avec les Verts, la sortie du nucléaire a levé un obstacle à une entente avec eux. Mais le plus probable est encore la formation une fois encore d’une grande coalition entre le SPD et la CDU-CSU, avec à sa tête Angela Merkel et Peer Steinbrück comme vice-chancelier. Une perspective qui ne déplait certainement pas à la titulaire du poste et qui a le soutien d’une majorité d’Allemands. Mais pour Peer Steinbrück, ce n’est pas un destin très exaltant que de se battre pour devenir le numéro deux.