La guerre de François Hollande

Chaque président de la République a sa guerre : Mitterrand dans le Golfe, Chirac au Kosovo et en Afghanistan, Sarkozy en Afghanistan et en Libye. François Hollande aura-t-il sa guerre du Mali ? Pour l’instant la France devrait être le "facilitateur" d’une intervention de pays africains soucieux de combattre les terroristes d’AQMI, Al Qaida au Maghreb islamique, dans le nord du Mali.

Une des décisions les plus difficiles que doit prendre un président de la République, chef des armées, est de trancher entre la guerre et la paix. Quatre mois après son entrée en fonctions, François Hollande est confronté à ce dilemme. Comme l’ont été la plupart de ses prédécesseurs, Mitterrand dans l’ex-Yougoslavie et dans le Golfe, Chirac au Kosovo et en Afghanistan, Sarkozy en Libye. Raymond Aron disait que le problème de Valéry Giscard d’Estaing était de ne pas comprendre que l’Histoire était tragique. François Hollande n’a pas eu le temps de l’ignorer. Il a commencé son quinquennat en annonçant le retrait accéléré des troupes françaises d’Afghanistan. Etait-ce un signe de faiblesse alors que Nicolas Sarkozy avait, lui, sonné la charge contre le colonel Kadhafi ? Sans que la question ait reçu une réponse, le nouveau chef de l’Etat a été confronté au conflit en Syrie et à l’effondrement d’un pays africain, le Mali, sous les coups conjugués des indépendantistes touareg et des terroristes d’AQMI (Al Qaida au Maghreb islamique).

En Syrie, la prudence qui confine à l’impuissance l’emporte. Au Mali, François Hollande monte au front. Il a décidé d’agir et l’a annoncé haut et fort à la tribune des Nations unies où il prononçait mercredi 26 septembre son premier discours devant l’Assemblée générale. La désintégration du Mali est « une menace pour l’ensemble du monde », a-t-il déclaré, en appelant à une réunion d’urgence du Conseil de sécurité et à la création d’une force de stabilisation, sous chapitre VII de la Charte de l’ONU. Ce chapitre autorise le recours à la force quand la paix mondiale est menacée.

Certes la France ne sera pas en première ligne. Elle n’a pas l’intention d’envoyer des troupes au sol pour mettre hors d’état de nuire les quelque 6000 combattants d’AQMI qui parcourent le Sahel en se jouant de frontières poreuses. Si intervention il y a, elle sera le fait d’une force composée essentiellement de contingents des pays de la CEDEAO, la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest. C’est aux Africains eux-mêmes, a souligné François Hollande, qu’il revient de prendre leurs responsabilités. La France fournira le « soutien logistique ». Mais cette expression peut cacher des degrés d’implication très divers, allant de la simple formation des troupes engagées au renseignement, voire à une couverture aérienne, sans parler de la présence sur le terrain de commandos des forces spéciales, en toute discrétion. Ce « soutien logistique » à une force africaine était d’ailleurs le type d’action envisagé par le gouvernement précédent.

François Hollande sait qu’il prend un risque. La France a, au Sahel, quatre otages qui peuvent être l’objet de représailles de la part d’AQMI. Toutefois, le président de la République a été très clair : la position sur la nécessaire intégrité territoriale du Mali – c’est-à-dire l’espoir d’un retour à la stabilité de toute la région sahélienne – ne doit pas être conditionnée par la question des otages. Leur libération reste un objectif prioritaire mais elle ne saurait déterminer une stratégie plus globale pour le Sahel. D’autant plus que les otages vivants sont plus utiles pour AQMI qui s’en sert comme d’une fructueuse monnaie d’échange.

La crise du Sahel se joue à quelques centaines de kilomètres des côtes européennes, mais l’Europe brille par son absence. La France est quasiment seule à s’en préoccuper. Tout en la soupçonnant parfois de sombres arrière-pensées néocolonialistes, ses partenaires ne sont pas mécontents qu’elle assume les coûts et les risques. L’Union européenne s’intéresse au développement, au soutien humanitaire, à la résolution de la crise alimentaire, toutes choses certes très utiles. Leur mise en œuvre suppose le retour au calme sur place et cette stabilité ne peut être restaurée que par l’usage d’un hard power qui effraie la majorité des Etats européens. Comme si l’Afrique était encore plus loin que l’Afghanistan.

 

(Ce texte a été publié d’abord par le site Slate.fr)