La justice grecque plus efficace que jamais

Chaque mardi, le point de vue de la rédaction de Boulevard-Extérieur sur un sujet de politique internationale.

Les Grecs se plaignent en général de la lenteur de leur justice. Ils ont tort. Quand il s’agit de s’en prendre à des journalistes, les juges d’Athènes font preuve d’une redoutable efficacité. Kostas Vaxevanis, éditeur du magazine d’investigation Hot Doc en a fait l’amère expérience. A peine le dernier numéro était-il paru, samedi 27 octobre, qu’une escouade de policiers a débarqué dans l’appartement de l’ami chez lequel il se trouvait. Kostas Vaxevanis a passé la journée au poste et a été présenté dès lundi au procureur qui a décidé une audience en flagrant délit pour jeudi. Son crime ? Avoir publié une liste avec le nom de 2059 Grecs ayant un compte en Suisse. Cette liste, dite « liste Lagarde », du nom de l’ancienne ministre des finances française et actuelle directrice générale du Fond monétaire international, a été remise aux autorités françaises en 2010 par un ancien employé de la banque HSBC. Christine Lagarde l’avait confiée à ses collègues grecs.

Malheureusement, les ministres des finance successifs à Athènes ont « égaré » la clé sur laquelle se trouvaient les noms des détenteurs de comptes suisses, parmi lesquels quelques fraudeurs du fisc, même si d’autres ont pu exporter leurs avoirs en toute légalité. Kostas Vaxevanis s’est-il rendu coupable de diffamation et de viol de la vie privée ? C’est ce que la justice aura à déterminer. Mais d’ores et déjà, le journaliste fait figure de héros à Athènes. A sa sortie du commissariat, il a été acclamé par la foule. Il apparait comme le défenseur des petites gens frappées de plein fouet par les mesures d’économies décidées par le gouvernement de coalition droite-gauche sous la pression de la troïka internationale (FMI, Commission de Bruxelles et Banque centrale européenne). Le premier ministre Samaras devrait annoncer de nouvelles coupes dans les salaires et les pensions, ainsi qu’un allongement de l’âge de la retraite, en contrepartie d’un étalement du remboursement de la dette grecque.
Pendant ce temps, l’évasion et la fraude fiscales qui représentent plus de la moitié des recettes de l’Etat continuent sans que le pouvoir politique ait engagé une véritable lutte. La volonté et les moyens font défaut.

Si Kostas Vaxevanis venait à être condamné, la majorité des Grecs ne pourrait tirer qu’une conclusion : comme dans la tradition antique, le messager est rendu coupable des mauvaises nouvelles qu’il apporte, tandis que les vrais responsables d’une situation de plus en plus intenable sont une nouvelle fois épargnés. Ce n’est pas seulement le gouvernement actuel qui serait mis en cause, mais l’ensemble du système politique. Or en Grèce plus qu’ailleurs en Europe, la démocratie est fragile.