La leçon d’Obama

Les foucades et les provocations de Donald Trump avivent le regret de son prédécesseur, Barack Obama, dont les manières aussi bien que les idées apparaissent plus encore, avec le recul, comme à l’exact opposé de celles de l’actuel occupant de la Maison-Blanche. Barack Obama vient justement de se rappeler à notre souvenir en prononçant un discours mémorable, le 17 juillet à Johannesburg, à l’occasion du centenaire de la naissance de Nelson Mandela.

Un discours qui décrit sans faux semblant le monde tel qu’il est, un monde en perte de repères, dont une partie semble « sur le point de rebasculer vers un ordre ancien, plus dangereux et plus brutal », un monde marqué par les injustices, les discriminations, les privilèges de quelques-uns et « des années de galère pour des millions de gens », au risque d’alimenter « une politique de la peur et de la rancœur ».

Les temps ont changé. La démocratie est en péril en de nombreux points du globe, comme si le message de Nelson Mandela n’était plus entendu. L’ancien président sud-africain, nous dit Barack Obama, a incarné une « longue marche vers la liberté et la justice », porté l’espoir des peuples opprimés, mis en mouvement les forces du progrès.

Pendant cette période « les dictatures cédaient la place aux démocraties », en même temps que la détente nucléaire, « la construction d’une Europe unifiée, ancrée dans l’OTAN, et l’entrée de la Chine dans le système économique mondial » réduisaient les risques de guerre et qu’« un milliard de personnes sortaient de la pauvreté ».

Aujourd’hui, on assiste, selon l’ancien président américain, à un « retour de bâton », qui se manifeste par l’émergence de réseaux terroristes, mais aussi par le raidissement de la Russie, dont s’affirme le « penchant pour l’autoritarisme », et de la Chine, qui dénonce la promotion de valeurs universelles comme « un nouvel impérialisme ». Des mouvements populistes se développent en Europe, en exploitant « le malaise ressenti par de nombreuses couches de la société », et partout « les hommes forts ont la cote ».

Que faire face à ces évolutions préoccupantes ? Il faut certes comprendre ceux qui craignent que leurs « identités culturelles » soient menacées par des étrangers ou des personnes qui ne leur ressemblent pas mais il faut aussi défendre la vision de l’avenir qui fut celle d’Abraham Lincoln, de Martin Luther King ou de Nelson Mandela, « une vision de l’égalité, de la justice, de la liberté et de la démocratie multiraciale, fondée sur le principe selon lequel tous les êtres humains sont créés égaux ».

L’ancien président américain prône la fidélité à certains principes universels, « le plus important étant que nous sommes unis par une humanité commune ». Cet enseignement de Nelson Mandela n’est pas seulement conforme à l’exigence de dignité, il répond aussi à celle d’efficacité. A ceux qui en doutent Barack Obama conseille malicieusement de regarder l’équipe de France de football, qui vient de remporter la coupe du monde. « Ces joueurs ne m’ont pas tous l’air d’être gaulois, mais pourtant ils sont tous Français », dit-il.

Barack Obama en appelle non à un leader mais à une « énergie collective » qui peut seul inverser le cours des choses et combattre le sentiment d’impuissance de ceux qui n’y croient pas ou l’indifférence de ceux qui, cyniquement, s’en moquent. « Il faut résister à ce cynisme », affirme-t-il. Un excellent conseil adressé à Donald Trump. Une leçon salutaire pour une Europe tentée par le découragement.