Une des conditions posées par les « Lib-dems » pour participer à un gouvernement est l’introduction d’une dose de proportionnelle dans le système uninominal à un tour – le candidat arrivé en tête dans une circonscription est élu député quel que soit le pourcentage de voix obtenu —, qui favorise les grandes formations.
Ce n’est pas la première fois que le « troisième parti » espère casser le moule de la politique britannique. « To break the mould » était le slogan de l’Alliance, la coalition formée pour les élections générales de 1983 par le Parti libéral et les dissidents du Parti travailliste regroupé dans le Parti social-démocrate. Mais le système électoral uninominal à un tour, dit « first past the post », ne facilite pas les recompositions du paysage politique. Au contraire, il a tendance à figer le bipartisme.
Pour les élections du jeudi 6 mai, les Libéraux-démocrates qui ont repris en 1988 le flambeau tenu par les libéraux et les sociaux-démocrates, semblent avoir le vent en poupe, à en juger par les sondages. En pourcentage de voix, ils pourraient arriver en deuxième position, derrière les conservateurs de David Cameron mais devant les travaillistes du premier ministre sortant Gordon Brown. Mais les pourcentages globaux ne disent pas tout. Ce sont les circonscriptions qu’il faut gagner, une par une. Et là, rien ne sert d’être deuxième ; il faut être premier pour emporter un siège de député.
C’est la raison pour laquelle les Libéraux-démocrates, comme l’Alliance avant eux, militent pour l’introduction de la proportionnelle dans le système électoral britannique. Et c’est aussi la raison pour laquelle les deux grands partis traditionnels la refusent. Seul un gouvernement de coalition, dans lequel les Libéraux-démocrates seraient représentés, est en mesure d’imposer la réforme du système électoral. Mais le « troisième parti » n’a jamais pu, au cours des dernières décennies, dépasser ce dilemme : il a besoin de la proportionnelle pour avoir une chance de participer au pouvoir et il lui faut participer au pouvoir pour être en mesure d’imposer la proportionnelle.
En 1983, les chances de l’Alliance paraissaient bonnes. Face à une Margaret Thatcher qui venait de remporter contre les Argentins une victoire militaire dans les lointaines îles Falklands mais qui avait décidé une réforme fiscale très impopulaire et face à un Parti travailliste qui s’était doté d’un programme « gauchiste » et d’un leader sympathique mais dépassé en la personne de Michael Foot, les « centristes » avaient les faveurs des observateurs. La « bande des quatre », qui avait rompu avec le Labour pour former le Parti social-démocrate, comptait des personnalités populaires. Roy Jenkins, Shirley Williams, David Owen, Bill Rodgers avaient tous occupés des postes importants. Ils faisaient souffler un air de renouveau sur la politique britannique, regonflant l’influence déclinante du vieux Parti libéral. Les électeurs en avaient pris acte en faisant gagner les candidats de l’Alliance lors de plusieurs élections partielles.
Lors du scrutin général de juin 1983, l’Alliance réalisa le score historique de 25,4% des suffrages. C’était un beau succès mais insuffisant pour « casser le moule » avec seulement soixante-deux députés à la Chambre des communes.
Aux dernières élections de 2005, les Lib-dems arrivaient encore en troisième position avec plus de 20% des voix. Il leur faut faire beaucoup plus, le 6 mai, afin d’empêcher les conservateurs, qui sont donnés favoris par les sondages, d’obtenir une majorité absolue de sièges, et d’imposer un gouvernement de coalition, un phénomène rare dans l’histoire de la Grande-Bretagne. Ils comptent beaucoup sur la personnalité de leur leader, Nick Clegg, pour y parvenir. S’ils réussissent, ce sera, pour les institutions encore plus que pour la politique britannique, une petite révolution.