La politique allemande, un kaléïdoscope en mouvement.

Les couleurs du paysage politique allemand se sont enrichies avec l’implantation, vraisemblablement durable, de la gauche radicale dans les Länder de l’Ouest. Avec cinq partis représentés au parlement fédéral ou dans les parlements régionaux, il est de plus en difficile de constituer des majorités. Toutes les combinaisons semblent désormais possibles.

Au lendemain de la réunification, en 1990, l’extrême-gauche, héritière du Parti communiste, était essentiellement représentée dans les Länder de l’Est, l’ancienne République démocratique allemande. En s’alliant avec les altermondialistes et les laissés pour compte du virage « libéral » du Parti social-démocrate à l’Ouest pour former le parti Die Linke, elle a fait son entrée au Parlement fédéral et dans les assemblées régionales. Le parti est co-dirigé par l’ancien président du SPD et ancien ministre des finances Oskar Lafontaine. Cette arrivée rend plus ouvert et plus difficile le jeu des alliances et des coalitions à tous les niveaux.

Pendant près de quarante ans après la fondation en 1949 de la RFA, la politique allemande était dominée par trois couleurs : le noir des conservateurs chrétiens-démocrates (CDU), le rouge des sociaux-démocrates (SPD) et le jaune des libéraux (FDP). Dans les années 1980 sont apparus les Verts, qui ont un peu compliqué la situation. Avec la gauche radicale de Die Linke, une nouvelle tendance « rouge » s’installe.

Jusqu’en 1966, la RFA de Konrad Adenauer et Ludwig Erhard n’avait connu que des coalitions « noires-jaunes », entre chrétiens-démocrates et libéraux. De 1966 à 1969, place au « noir-rouge » avec la coalition entre la démocratie chrétienne et la social-démocratie, première mouture de grande coalition telle qu’on la connaît aujourd’hui avec le gouvernement dirigé par Angela Merkel. De 1969 à 1982, avec les chanceliers Willy Brandt puis Helmut Schmidt, l’Allemagne a été dirigée par une alliance socialiste-libérale (« rouge-jaune »), avant de revenir, avec Helmut Kohl, a une configuration « noire-jaune » plus classique. De 1998 à 2005 avec Gerhard Schröder et Joschka Fischer, une coalition « rouge-verte » a pris le pouvoir.

Après les élections régionales de janvier 2008 dans le Land de Hesse, dont la principale métropole est Francfort et la capitale administrative Wiesbaden, une première tentative de gouvernement rouge-vert soutenu par les rouges radicaux (Die Linke) a échoué. Une députée du SPD a refusé de mêler sa voix à celle des communistes.

A Hambourg, les négociations ont commencé pour un gouvernement régional noir-vert, c’est-à-dire entre les chrétiens-démocrates et les écologistes. Ce serait une première dans un Land, mais il existe de telles alliances dans plusieurs villes allemandes, dont Francfort. Une partie des Verts allemands ont adopté depuis des années déjà des thèses très libérales en matière économique, ce qui les rapproche des chrétiens-démocrates. La pierre d’achoppement avec ces derniers demeure la politique énergétique, en particulier l’attitude vis-à-vis de l’énergie nucléaire.

Avec un paysage politique dominé désormais par cinq partis, il est de plus en difficile de constituer une majorité avec deux partis, sauf s’il s’agit des deux grands, la démocratie-chrétienne et la social-démocratie. Pour ne pas être condamnées à former perpétuellement une grande coalition, l’une et l’autre doivent trouver deux petits partenaires sous la forme de la coalition diverses.

Le vocabulaire politique allemand s’enrichit de concepts inédits. On parle d’une « coalition des feux de circulation » (Ampelkoalition) : rouge, jaune, vert. Elle n’a encore jamais été expérimentée. Ces dernières années, le Parti libéral pensait qu’il lui suffirait de s’entendre avec les chrétiens-démocrates pour revenir au pouvoir. L’arithmétique électorale en a décidé autrement.

On évoque aussi l’hypothèse d’une coalition « Jamaïque », noir-vert-jaune (les couleurs du drapeau de la République jamaïcaine). Cette configuration est également inédite. Toutes les combinaisons semblent donc désormais possibles sauf une alliance même tacite entre les chrétiens démocrates et l’extrême-gauche au niveau régional et fédéral, bien que dans les anciens Länder de l’Est certains maires chrétiens-démocrates dirigent des villes avec d’anciens communistes.

La politique allemande est en tous cas en mouvement, à tel point que la électorale combinant les systèmes majoritaire et proportionnel, censée assurer des majorités stables, est maintenant critiquée par des constitutionnalistes qui suggèrent un système… à la française.