L’Algérie s’implique dans la guerre contre les groupes terroristes au Mali. Au troisième jour des raids menés par l’armée française contre les bastions islamistes au nord du Mali, Alger a autorisé le survol de son espace aérien aux Rafale français. « L’Algérie a autorisé sans limite le survol de son territoire aux avions français », a indiqué, hier, le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius.
Silence radio à Alger. Le département des Affaires étrangères perd la voix ! En portant les opérations dans les régions de Kidal, Gao et Tombouctou, bases arrière des groupes terroristes, la guerre prend ainsi une tout autre ampleur et gagne du terrain. Il faut dire qu’Alger a fort à faire pour la sécurisation de ses frontières. Et qu’à ce titre déjà, elle est appelée à jouer un rôle certain dans cette guerre contre les djihadistes. Il s’agit en effet de faire obstacle à toute pénétration des groupes armés sur le territoire algérien. « Nous travaillons avec les Algériens, nous continuons à discuter. Ce que nous avons à l’esprit, c’est que si les troupes africaines doivent remonter au Nord, il faudra que les Algériens ferment leur frontière », a précisé Laurent Fabius.
Il faut rappeler que l’opération était déjà mise en place depuis longtemps. Fin octobre 2012, l’armée algérienne avait déployé 35 000 hommes à la frontière sud avec le Mali. Une muraille militaire érigée pour empêcher toute infiltration des éléments djihadistes. Et l’arrivée du Premier ministre malien, Diango Cissoko, à la tête d’une importante délégation, civile et militaire, hier à Alger, est on ne peut plus opportune. Reçue par le Premier ministre algérien, Abdelmalek Sellal, la délégation malienne aurait sollicité une aide accrue de l’Algérie pour trouver « les voies et moyens à même de renforcer la coopération entre les pays du champ et les partenaires extra-régionaux pour éradiquer le terrorisme et le crime organisé qui constituent une menace pour la stabilité et la sécurité dans la région du Sahel », a souligné le gouvernement algérien dans un communiqué.
Les entretiens, qui se sont déroulés au Palais du gouvernement, ont réuni, côté algérien, le ministre des Affaires étrangères Mourad Medelci, celui de l’Intérieur et des Collectivités locales Daho Ould Kablia, le ministre délégué auprès du ministre de la Défense nationale Abdelmalek Guenaïzia et le ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines Abdelkader Messahel. Cette rencontre au sommet « offrira l’occasion aux deux parties de procéder à un échange de vues approfondi sur la situation au Nord-Mali et les efforts en cours pour un règlement de la crise multidimensionnelle qui affecte ce pays », a précisé le gouvernement algérien. M. Sellal, qui a rencontré, avant-hier à Ghadamès, ses homologues tunisien et libyen, a tenu un langage aux relents « guerriers » : « Nous avons soutenu au maximum le dialogue et continuerons à le faire, mais en cas d’atteinte à la sécurité et de l’utilisation d’autres moyens, nous sommes appelés à être fermes. » Il a affirmé que la crise malienne « aura un impact direct sur la région. Il ne s’agit pas d’une simple affaire de terrorisme, mais de crime organisé où sont utilisés les stupéfiants et le blanchiment d’argent », a-t-il mentionné. Changement de ton.
Alger qui, au début de la crise malienne, donnait l’impression d’être un pays réticent et réservé quant à l’option militaire pour mettre un terme à la terreur que font régner les groupes extrémistes au Nord-Mali, se trouve « incorporé » dans une guerre, dans une opération militaire d’envergure internationale. Prémonitoire, l’ancien patron des Services maliens, M. Maïga, avait bien affirmé que l’Algérie « finira par rentrer dans le rang dès que la guerre se déclarera » ! Elle qui a longtemps tergiversé en raison de son incapacité d’anticiper les événements qui s’accélèrent dangereusement à ses frontières. De nombreux experts locaux avaient, dès l’éclatement de la crise en mars 2012, pourtant tiré la sonnette d’alarme.
Le diplomate Abdelaziz Rahabi a souvent évoqué le rôle du « Pakistan » qu’on veut faire jouer à l’Algérie. Le Nord-Mali, c’est aussi le sud de l’Algérie. En l’absence d’une vision stratégique sérieuse qui impliquerait tous les acteurs politiques nationaux – nécessaire – les autorités algériennes ont fait le mauvais choix. Celui de « gérer » un dossier hautement sensible dans des salons fermés, comme s’il s’agissait d’une affaire strictement « privée ». L’opinion publique est outrageusement désabusée alors qu’une guerre est livrée à nos frontières et que trois diplomates algériens sont entre les mains des groupes djihadistes.