La voie triomphale d’Angela Merkel

Angela Merkel a été réélue présidente de l’Union chrétienne démocrate (CDU) avec 97,9% des voix par le congrès de son parti. Elle est ainsi intronisée candidate à la chancellerie pour un troisième mandat en vue des élections législatives de septembre 2013.

L’Union chrétienne démocrate est le « parti frère » allemand de l’UMP, selon l’expression empruntée à feu le mouvement ouvrier international. Mais elle ne traverse pas les mêmes affres que la droite française quand il s’agit de désigner son président. Pas de primaires, ni de vote de tous les militants. Ce sont les délégués au congrès qui tiennent en main le destin de leurs dirigeants. Les partis allemands ne se sont pas encore risqués à pratiquer l’exercice dont la gauche italienne a donné l’exemple. A l’exception des Verts. Pour la première fois, le parti écologiste a donné la parole à ses adhérents pour la désignation de leurs deux têtes de liste aux prochaines élections générales – un homme et une femme, afin que la parité dont les Verts se sont fait les champions soit respectée. Le résultat n’a d’ailleurs pas correspondu aux prévisions de l’appareil. La présidente du parti, Claudia Roth, a été battue.

Aucune surprise, en revanche, au congrès de la CDU. Angela Merkel a fait le meilleur résultat de sa carrière : 97,9% des voix. Presque aussi bien que les meilleurs scores réalisés par ses grands ancêtres, Konrad Adenauer et Helmut Kohl. Une rampe de lancement idéale pour les élections générales de septembre 2013 qui, si les sondages ne trompent pas, devraient lui assurer un troisième mandat. Angela Merkel est deux fois plus populaire que son parti. 70% des Allemands lui font confiance alors que 35% voteraient chrétien démocrate si les élections avaient lieu dimanche prochain. Elle est loin devant son concurrent social-démocrate, Peer Steinbrück.

Avec son pragmatisme, sa propension à rechercher des compromis, à s’adapter aux exigences du monde moderne sans sacrifier les valeurs de base des conservateurs allemands, cette fille de pasteur, élevée en Allemagne de l’Est, a maintenu le statut de la CDU comme grand « parti populaire ». L’expression ne rend pas exactement compte du terme allemand : Volkspartei. Un parti populaire, dans plusieurs sens du terme. Un parti qui représente le peuple, qui s’adresse à diverses couches de la population, par opposition à un parti de classe (le Parti social-démocrate – SPD – se veut aussi un Volkspartei, et qui a un nombre conséquent d’adhérents pour ne pas être confondu avec un parti « de niche ». La CDU compte près de 500 000 adhérents, légèrement plus que le SPD qui a frôlé naguère le million de cotisants.

Quelle future coalition ?

Avec son alliée, l’Union chrétienne sociale (CSU), la démocratie chrétienne est le parti unique de la droite allemande. Elle couvre tout le spectre à partir du centre. Formation à base à la fois régionale (la Bavière) et idéologique (conservatrice), la CSU garde le flanc droit de la démocratie chrétienne. Elle a toujours empêché l’émergence nationale d’une force d’extrême-droite, même si elle n’est pas représentée dans l’ensemble du pays. Elle est beaucoup plus d’une force d’appoint, permettant la formation d’une majorité CDU-CSU. Elle a une fonction politique en élargissant l’éventail des positions idéologiques couvertes par la droite allemande.

A elles deux, la CDU et la CSU n’arrivent pas, sauf exception, à avoir la majorité absolue des suffrages et des députés au Bundestag qui leur permettrait de gouverner sans alliés. Il leur faut former des coalitions. Angela Merkel vient de répéter que ses alliés « naturels » sont les libéraux (FDP) avec lesquels elle gouverne depuis 2009. L’alliance n’a pourtant pas été sans heurts. Surtout, les libéraux ont perdu le soutien dans l’électorat qu’ils avaient acquis. En trois ans, leur cote de popularité est passée de 14 à moins de 5%. S’ils sont au-dessous de ce seuil aux prochaines élections, ils ne seront pas représentés au Bundestag. Angela Merkel n’aurait alors d’autre choix que de former une grande coalition avec le SPD, comme en 2005. Les libéraux viennent cependant d’atteindre 5% dans les intentions de vote, selon les derniers sondages, pour la première fois depuis des mois.

Ce serait insuffisant pour que la coalition CDU-CSU-FDP ait une majorité au Bundestag. Une autre hypothèse serait une coalition dite noire-verte, entre la démocratie chrétienne et les écologistes, crédités actuellement de 14% des intentions de vote. La décision de la chancelière de sortir du nucléaire à la suite de la catastrophe de Fukushima a levé un obstacle à une telle alliance. Celle-ci aurait l’avantage pour les Verts de consolider la légitimité qu’ils ont acquise en tant que parti de gouvernement dans la coalition avec les sociaux-démocrates (1998-2005). Pour l’instant, les Verts et le SPD font campagne en faveur d’une nouvelle coalition rouge-verte, mais ce qui vaut avant le scrutin ne sera peut-être plus d’actualité après le vote, si l’arithmétique électorale ne leur donne pas une majorité. Au vu des sondages, c’est l’hypothèse la plus probable.

Tout laisse aujourd’hui à penser qu’Angela Merkel restera à son poste après septembre 2013. Avec quel partenaire ? La question est ouverte.