La zone euro à l’épreuve de la Grèce

Economiste à l’Institut de l’économie mondiale de Hambourg (HWWI), Thomas Saubhaar voit une seule solution à la crise que traverse la zone euro à la suite des difficultés grecques : l’acceptation d’une inflation modeste, sous le contrôle de la Banque centrale européenne. Nous publions les principaux extraits de son commentaire tiré du site web du magazine allemand Der Spiegel (www.spiegel.de). Traduction DV.

Que penser de quelqu’un qui dit à une personne en train de se noyer : « Apprends à nager et puis je viens te sauver ? » C’est exactement de cette manière cynique qu’agissent les hommes politiques européens. Comme un noyé, la Grèce est entraînée vers le fond par une spirale de dettes. Et comment réagissent les gouvernements européens ? Ils oscillent entre impuissance et activisme sous la forme de pénalités financières contre un pays en déficit en passe d’épuiser ses ressources.

Cette attitude a des conséquences sur le marché des devises. Le cours de l’euro est sous pression. Et pas seulement pour la Grèce, d’autres pays sont aussi au bord de la cessation de paiement. La menace de faillites place les Etats de la zone euro devant un dilemme. S’ils aident la Grèce, ils risquent de provoquer une vague de spéculation. D’autres Etats surendettés appelleront à l’aide […] D’un autre côté, si les autres Etats européens laissent la Grèce se dépatouiller toute seule de ses dettes, ils aggraveront le déséquilibre entre le centre et la périphérie de l’Europe. Les espoirs d’une convergence économique, essentielle pour la réussite à long terme du processus d’intégration européenne, seront enterrés. Le risque inhérent aux crédits dispensés aux Etats endettés augmenterait, et avec lui, les taux d’intérêts, y compris pour les investissements privés. Conséquences : fin de la croissance pour ces pays, dégradation des infrastructures publiques, etc.

Y a-t-il d’autres moyens pour sauver ces pays ? Un big-bang est théoriquement envisageable. On pourrait provoquer une dislocation de la zone euro. Toutefois ça ne résoudrait aucun problème. Au contraire ça en créerait de nouveaux. Si un Etat faible sortait de la zone euro, personne ne voudrait de sa monnaie nationale. Les déficits publics ne pourraient être financés que par des emprunts à taux très élevé, aggravant la spirale de la dette. Le coût des importations augmenterait considérablement. La récession serait aggravée.

Ce n’est pas ce que peuvent vouloir les Etats forts de la zone euro. Car même si un Etat abandonnait l’euro, il resterait tout de même membre de l’Union européenne […]

Il reste donc un dernier espoir. Il se nomme inflation. Une inflation modérée, souterraine diminuerait peu à peu le poids des déficits publics. Des taux d’inflation élevés réduisent la charge réelle des dettes nominales. C’est pourquoi ils constituent l’option politiquement la plus simple [...]

Tout ceci bien considéré, il ne reste qu’un plan réaliste. La Banque centrale européenne doit trouver un compromis qui prenne en compte une inflation plus élevée. C’est le prix qu’un pays solide de la zone euro comme l’Allemagne a à payer pour empêcher un éclatement de l’Union monétaire – qui serait encore plus coûteux.

Cela aurait aussi une influence sur le cours de l’euro. Car des taux d’intérêt bas et une inflation légèrement croissante mettraient encore plus sous pression la relation de l’euro par rapport au dollar. Les exportateurs européens ne pourraient que s’en réjouir – plus l’euro est faible, plus leurs produits sont bon marché sur le marché mondial. C’est l’inverse pour les importations – et les vacances en dehors de l’Europe.

A la fin, ce serait l’épargnant qui en ferait les frais, car pour les placements un euro faible ne représente rien de bon.