Le Mali sort du chaos

L’élection présidentielle du 29 juillet au Mali, qui place largement en tête à l’issue du premier tour le président sortant, Ibrahim Boubacar Keïta, marque une étape importante sur la voie de la consolidation du régime. L’avenir de ce pays d’Afrique de l’Ouest situé au cœur de la bande sahélo-saharienne, préoccupe les Européens, qui s’inquiètent, pour leur propre sécurité, de la déstabilisation d’une région où prolifèrent réseaux criminels et groupes terroristes. La faiblesse des Etats de la zone favorise à la fois la recrudescence des conflits ethniques et le développement des attaques djihadistes, faisant de ce vaste territoire, à la frontière du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne, un des grands enjeux stratégiques de la diplomatie internationale.

La France est au premier rang des pays qui tentent d’enrayer le chaos, en particulier au Mali, où elle s’efforce de rétablir l’autorité d’un Etat fragilisé par l’action des groupes armés. L’engagement de l’armée française, en 2013, a permis d’éviter l’implosion du pays. En se portant candidat à sa réélection après un premier mandat de cinq ans, Ibrahim Boubacar Keïta entendait montrer que, sous sa présidence, l’ordre a été rétabli, que les institutions ont fonctionné normalement et que l’opération Serval, devenue ensuite l’opération Barkhane, qu’il a approuvée, a rendu au gouvernement légitime le contrôle du pays.

L’objectif de François Hollande, en ordonnant l’intervention militaire de la France, était triple : arrêter l’agression terroriste, sécuriser Bamako, la capitale, et permettre au Mali de recouvrer son intégrité territoriale. But en partie atteint : l’opération Serval a eu pour effet, selon Ibrahim Boubacar Keïta, de « stopper l’avancée des troupes terroristes » et de « neutraliser la menace qui pesait sur l’existence même de l’Etat malien ». Son principal concurrent, Soumaïla Cissé, ne dit pas autre chose : « Sans l’opération Serval, mon pays n’existerait sans doute plus ». Chacun reconnaît que le pays n’est plus sous la menace d’une implosion prochaine.

La situation n’en est pas, pour autant, pacifiée. L’agitation continue dans le nord du Mali, elle s’étend même au centre. L’accord de paix, signé à Alger en 2015, est loin d’être pleinement respecté. Les adversaires du président sortant soulignent à l’envi que le pays n’a pas encore trouvé le chemin de la sécurité. Du banditisme au djihadisme, les foyers de la guérilla ne sont pas éteints. Malgré la présence des casques bleus de la Minusma, malgré l’opération Serval devenue Barkhane, malgré la restructuration de l’armée malienne, certaines zones échappent encore au contrôle des forces militaires. « La lutte contre le terrorisme est beaucoup plus complexe que nous ne l’avions estimé », reconnaît-on dans le camp gouvernemental.

L’ONG Human Rights Watch estime que « le désarmement des groupes armés n’a guère avancé » et que les progrès accomplis dans le rétablissement de l’autorité de l’Etat sont insuffisants. Les violences n’ont pas cessé. Le scrutin lui-même a été marqué par de nombreux incidents : bureaux de vote saccagés, accusations de fraude, procès- verbaux égarés. Toutefois, en dépit d’une campagne sous haute tension, l’élection, selon la Mission d’observation de l’Union européenne « s’est globalement bien déroulée » et la « sincérité du scrutin » a été respectée.

Au lendemain du vote, chacun des deux principaux candidats a revendiqué la victoire avant que le ministre de l’administration territoriale n’annonce les résultats, au terme de cinq jours de dépouillement : Ibrahim Boubacar Keïta obtient 41,4 % des voix contre 17,8% à son principal adversaire, Soumaïla Cissé. Le second tour aura lieu le 12 août. La victoire du président sortant semble acquise.