Le « boycottage » de Hollande : un manque de courtoisie contraire aux intérêts européens

En refusant de recevoir le candidat socialiste, Angela Merkel et ses homologues de Londres, Madrid et Rome renforcent le clivage droite-gauche.

Concerté ou non, le « boycottage » de François Hollande par les dirigeants conservateurs de quatre grands pays voisins et partenaires de la France comporte au moins un aspect positif : il va dans le sens d’une « européanisation » accrue de la vie politique. En refusant de rencontrer le candidat socialiste avant l’élection présidentielle, les chefs des gouvernements allemand, britannique, espagnol et italien renforcent, au niveau européen, la ligne de clivage qui sépare, au niveau national, dans chacun des pays, la droite et la gauche.

Même s’ils démentent l’information de l’hebdomadaire allemand Der Spiegel selon laquelle ils se seraient entendus pour « boycotter » François Hollande, les Quatre se sont unanimement abstenus, pour le moment, de le recevoir. Ils lui reprochent, dit-on, de vouloir renégocier le traité budgétaire qui vient d’être signé à Bruxelles mais qui ne sera pas ratifié en France avant l’élection du successeur de Nicolas Sarkozy.

Etrange reproche si l’on songe que le Britannique David Cameron s’est opposé à ce traité avant de refuser de le signer, que l’Espagnol Mariano Rajoy a demandé la révision à la baisse des objectifs fixés à son pays et que l’Italien Mario Monti s’est inquiété des risques de récession qu’entraînerait une trop sévère cure d’austérité. Mais l’essentiel est que les chefs de file de la droite européenne ont choisi d’afficher l’unité de leur commune famille politique face à la famille adverse, celle des sociaux-démocrates.
 
Un espace transnational

Cet affrontement est dans la logique d’un espace transnational en construction, qui suppose l’affirmation de vrais partis européens et qui apparaît à beaucoup comme l’un des moyens de combler le « déficit démocratique » de l’Union. Après tout, la désignation des chefs d’Etat et de gouvernement par les électeurs de chaque pays est aussi celle du futur Conseil européen, le principal organe dirigeant de l’UE, qui rassemble les représentants suprêmes des vingt-sept Etats membres.

La bataille entre le droite et la gauche est déjà au coeur de l’élection du Parlement européen. Elle détermine aussi le choix du président de la Commission européenne. Pourquoi ne commanderait-elle pas également la composition du Conseil européen à travers la désignation des chefs d’Etat et de gouvernement ? François Hollande est parfaitement fondé, dans cette perspective, à solliciter le soutien des sociaux-démocrates européens, comme Ed Miliband en Grande-Bretagne, Sigmar Gabriel en Allemagne ou Alfredo Pérez Rubalcaba en Espagne.

Partager le pouvoir

Pourtant une opposition trop radicale entre conservateurs et sociaux-démocrates serait contraire à la tradition européenne de compromis et de bonne entente entre des forces politiques qui doivent travailler ensemble à Bruxelles. A la Commission comme au Conseil coexistent en effet des personnalités de droite et de gauche qui sont contraintes de partager le pouvoir. Le système politique européen, à la différence des systèmes nationaux, rend nécessaire une certaine coopération entre les élus des deux bords. C’est en particulier le cas du couple franco-allemand dont on sait que le bon fonctionnement est indispensable à la réussite de l’UE.

De ce point de vue, l’attitude d’Angela Merkel et de ses collègues de Londres, de Madrid et de Rome est critiquable. Elle rend plus difficile la collaboration avec la France en cas de victoire de François Hollande. Elle crée un climat de défiance qui ne favorisera pas les décisions communes. Elle dénote pour le moins un manque de courtoisie qui n’est conforme ni aux usages de la diplomatie ni aux intérêts de l’Europe.