Le crépuscule de Matteo Renzi

Il était le héraut des nouveaux social-démocrates. Matteo Renzi, 41 ans, avait donné un coup de jeune à la politique italienne et à la gauche européenne. Son ascension vient de connaitre un brusque coup d’arrêt avec les élections municipales du 5 et du 19 juin. A Rome comme à Turin, deux jeunes trentenaires, issues du Mouvement Cinque Stelle fondé par l’humoriste Beppe Grillo, soutenues par toutes les droites sans avoir rien demandé, ont battu les candidats de la gauche.
De la direction du Parti démocrate (PD), Matteo Renzi avait chassé les caciques et il se faisait fort depuis deux ans de réformer l’Italie, son économie de connivence et ses institutions sclérosées. En 2014, aux élections européennes, il donne à la gauche italienne le score inespéré de 41% des suffrages, de loin le meilleur résultat des partis social-démocrates en Europe.
Sa méthode : agir vite. Son credo : dynamiter les blocages traditionnels. Après seulement quelques heures de grève, il a imposé un changement du code du travail à côté duquel la loi El Khomri apparaît comme une aimable réformette. Il a convaincu les sénateurs de se faire harakiri et d’accepter une réduction drastique des pouvoirs du Sénat, ce qui transforme un bicaméralisme presque parfait, générateur de bien des crises gouvernementales, en un système unicaméral, avec une loi électorale majoritaire.
Pourtant les Italiens ont choisi les élections locales pour signifier au président du Conseil qu’ils ne voulaient plus du vieux système même ripoliné. A Rome comme à Turin, deux jeunes femmes sans grande expérience politique, Virginia Raggi et Chiara Appendino, évincent avec respectivement 67 et 54% des voix deux apparatchiks du PD. Et dans les deux cas, ce sont les circonscriptions périphériques populaires, hauts lieux traditionnels de la gauche, qui ont assuré leur victoire.
Certes des considérations locales ont joué dans le résultat. La Ville éternelle a été mise en coupe réglée depuis des décennies par les municipalités successives, de gauche comme de droite. La corruption, la gabegie administrative, les transports publics défaillants, la voirie délabrée ont poussé les Romains à tenter une expérience inédite. A Turin, la situation était cependant différente. La ville a souffert de la réduction radicale des activités de « Mamma Fiat », comme on appelait la firme automobile qui, du temps des Agnelli, y faisait la pluie et le beau temps. Sous la houlette de l’ancien dirigeant communiste Piero Fassino, elle a réussi le passage de l’industrie au tertiaire, non sans faire de nombreuses victimes parmi la classe ouvrière. Piero Fassino ne s’est pas vu reprocher sa gestion mais il a été emporté par le mot d’ordre « qu’ils s’en aillent tous ».
Né il y a sept ans, le Mouvement Cinque Stelle est une formation antisystème qui jusqu’à maintenant ne s’était guère frottée aux difficultés de la gestion. Il paraissait même en perte de vitesse après la mort de son idéologue et cofondateur, Gianroberto Casaleggio, et la retraite de Beppe Grillo, retourné à son métier d’humoriste. Les élections municipales montrent que le slogan populiste simpliste « tous pourris ! » a encore de beaux jours devant lui. Cinque Stelle se prépare même pour les législatives qui doivent avoir lieu au plus tard en 2018 et couve un jeune successeur à Matteo Renzi.
Celui-ci s’est engagé à démissionner si le « non » l’emportait au référendum confirmatif d’octobre sur la réforme du Sénat, au risque, on le voit, d’être lui-même victime du vote protestataire qui se répand partout en Europe.