Le dialogue franco-américain

On a beaucoup glosé sur la théâtralisation de la rencontre de Washington entre Donald Trump et Emmanuel Macron. On a commenté leurs postures, leurs mimiques, leurs gestuelles, on s’est intéressé à leurs embrassades et à leurs poignées de main, on s’est demandé lequel des deux prenait l’ascendant sur l’autre dans cette sorte de duel engagé sous le regard des caméras. On a même tiré parfois de ces observations des conclusions définitives sur la « victoire » de l’un ou de l’autre. La vérité est que, dans une négociation, les relations personnelles entre les protagonistes et les rapports de force qui s’établissent entre eux ne sont pas négligeables, mais qu’ils jouent un rôle secondaire par rapport aux convictions et aux intérêts de chaque partenaire.

Il était clair, avant même qu’Emmanuel Macron n’arrive à Washington, qu’aucun des deux présidents ne parviendrait à convaincre l’autre de changer d’avis sur les sujets en discussion et que les dossiers du nucléaire iranien, du réchauffement climatique ou du commerce international demeureraient des pommes de discorde entre les deux pays. Nul ne pouvait imaginer qu’en 24 ou 48 heures l’un des deux dirigeants allait abandonner ses positions pour permettre la conclusion d’un accord sur des questions aussi conflictuelles. Le discours d’Emmanuel Macron devant le Congrès a souligné nettement les divergences entre Paris et Washington.

Le président français a ainsi plaidé pour un « multilatéralisme fort », pour le respect de l’accord avec l’Iran, pour la défense de l’accord de Paris sur le climat. Il a dénoncé les « guerres commerciales ». Bref il s’est opposé ouvertement au président américain. Il a été la figure vivante de « l’anti-Trump », malgré les démonstrations d’amitié prodiguées la veille par les deux hommes. Dès lors à quoi peut bien servir la rencontre de Washington entre les deux présidents ? A ouvrir le dialogue, à chercher la voie des compromis, à préparer les négociations à venir. A créer un climat de confiance qui permette ensuite de surmonter les blocages, de dissiper les malentendus, de favoriser les rapprochements.

De ce point de vue, la proposition présentée par Emmanuel Macron d’un nouvel accord avec Téhéran qui aille au-delà de 2025 et qui traite aussi des activités balistiques et du conflit syrien était une bonne manière de reprendre l’initiative et de progresser, malgré les réserves des autres signataires de l’accord de 2015, vers une solution politique de la crise au Moyen-Orient. C’est tout l’art de la diplomatie de tenter de sortir des impasses par le haut en modifiant les termes du problème. Il se peut que l’initiative d’Emmanuel Macron ne suffise pas à apaiser les tensions et que son pas de deux avec Donald Trump reste dans les mémoires comme un vain exercice de séduction. Au moins le président français aura-t-il versé au débat une offre qui mérite d’être discutée.