Les chances de M. Blair de devenir le premier président à plein temps du Conseil européen sont en recul. La candidature de l’ancien premier ministre britannique, lancée naguère par M. Sarkozy, se heurte en effet à l’opposition formelle des trois Etats du Benelux et aux réserves discrètes de quelques autres. La Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg, qui sont parmi les plus europhiles des pays européens, s’inquiètent de l’euroscepticisme britannique, qui ne place pas M. Blair en bonne position pour occuper l’une des plus hautes fonctions de l’Union européenne.
Il est vrai que les Belges ont quelques raisons d’en vouloir aux Britannniques, qui ont bloqué à deux reprises leur candidat à la présidence de la Commission européenne. En 1994, Londres a fait barrage à l’ancien premier ministre belge, Jean-Luc Dehaene, jugé trop europhile. En 2004, pour la même raison, M. Blair a rejeté la candidature de Guy Verhofstadt, alors premier ministre, que soutenaient la France et l’Allemagne.
On comprend que le gouvernement belge ne soit pas mécontent de rendre à la Grande-Bretagne la monnaie de sa pièce. Ajoutons que le nom de l’actuel premier ministre belge, Herman Van Rompuy, est parfois cité pour le poste. Ceux du premier ministre néerlandais, Jan-Peter Balkenende, et du premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, circulent également face à celui de M. Blair.
Les trois atouts de l’ancien premier ministre
L’idée de confier à l’ancien premier ministre la nouvelle fonction de président permanent du Conseil européen, créée par le traité de Lisbonne, est séduisante. D’abord parce que la notoriété internationale de M.Blair, dont la stature d’homme d’Etat est largement reconnue, donnerait à l’Europe la visibilité et le lustre qu’elle recherche.
Ensuite parce que l’expérience de l’ancien premier ministre lui permettrait d’aborder au mieux les difficultés de la nouvelle fonction, qui va mettre en concurrence le président permanent et les dirigeants des Etats membres, en particulier des grands Etats comme la France et l’Allemagne.
Enfin parce que M. Blair est, à la différence de la majorité de ses compatriotes, un Européen convaincu et qu’il pourrait, dans ce nouveau poste, contribuer à rapprocher un peu plus la Grande-Bretagne du reste de l’Europe.
De sérieux arguments contre sa candidature
Pourtant de sérieux arguments militent aussi contre la nomination de M. Blair. Ils semblent aujourd’hui inverser la tendance. Le premier est le refus persistant de la Grande-Bretagne de participer à toutes les politiques européennes. Elle reste à l’écart des accords de Schengen et de la zone euro et continue de réclamer des dérogations dans de nombreux domaines. M. Blair n’est pas parvenu à la faire évoluer vers plus d’Europe.
Le deuxième argument porte sur l’engagement résolu de l’ancien premier ministre britannique auprès de George W. Bush lors de la guerre d’Irak. Il y eut notamment la fameuse rencontre des Açores, organisée par José Manuel Barroso, alors premier ministre du Portugal. Est-il acceptable que les deux principaux dirigeants de l’Union européenne soient l’un et l’autre d’anciens fidèles de l’ex-président américain ?
Troisième argument : ce n’est pas au moment où le libéralisme économique est remis en question par la crise qu’il faut porter à la présidence du Conseil européen un homme qui, bien que travailliste, s’est fait le champion des idées libérales. La gauche européenne, en particulier, a cessé de le reconnaître comme un des siens.
La personnalité de M. Blair dérange. Peut-être certains craignent-ils qu’il n’acquière, s’il est désigné, trop d’autorité, au détriment des dirigeants nationaux. Toujours est-il que sa nomination à la présidence du Conseil européen paraît aujourd’hui pour le moins problématique.