Le G20 de Hambourg, ça a été aussi des rencontres bilatérales dont la plus spectaculaire entre Vladimir Poutine et Donald Trump. C’était aussi la première entre le président russe et le président américain, depuis l’élection de ce dernier. Elle a duré deux fois plus longtemps que prévu par le protocole, à tel point que les autres chefs d’Etat et de gouvernement et leurs conjoint(e)s ont dû patienter avant le concert dans la nouvelle Elbphilarmonie.
Les deux hommes sont allés à cette réunion avec des attentes différentes. Pour Donald Trump, il s’agissait de faire la preuve qu’il pouvait soutenir une longue discussion à laquelle il ne s’était pas particulièrement préparé. Il était enveloppé du halo de déclarations contradictoires multipliées depuis sa campagne électorale.
Après les témoignages de sympathie voire d’admiration pour « l’homme fort » du Kremlin, les mises en cause de l’OTAN et de l’Union européenne douces aux oreilles russes, une forme d’indulgence pour l’annexion de la Crimée et les menées de Moscou dans l’est de l’Ukraine, il avait tenu un discours plus traditionnellement dur à l’égard de la Russie.
Embrouillé à Washington dans le « Russiangate » à cause des relations douteuses des membres de son équipe avec des officiels russes et les interférences – à son profit — supposées de la Russie avant les élections présidentielles, il se devait de montrer sa distance vis-à-vis du Kremlin. Le bombardement d’une base syrienne après l’utilisation d’armes chimiques par le régime de Bachar el-Assad, au mois d’avril, avait tendu les relations américano-russes, les ramenant au niveau de la fin de la présidence Obama.
Donald Trump est retourné à la Maison blanche convaincu d’avoir remporté un succès. Cette impression a été vite démentie par un de ces faux-pas dont il a le secret. Une des rares conclusions concrètes de sa discussion avec Vladimir Poutine avait été l’annonce de la création d’un groupe de travail commun sur la cybersécurité. A peine revenu sur le sol américain, Donald Trump a annulé cet accord, se laissant convaincre par ses services de sécurité que c’était là une idée « stupide ».
Peu importe au président russe. L’essentiel pour lui tenait dans l’existence même de ce long dialogue avec son collègue américain. Même s’il n’y a eu aucune avancée notable sur aucune des crises internationales, seul compte le fait qu’elles aient été passées en revue. Alors que Barack Obama tenait la Russie pour « une puissance régionale », Vladimir Poutine n’a de cesse de montrer, y compris par l’emploi de la force si nécessaire, que son pays est redevenu une grande puissance, à l’égale des Etats-Unis, comme au temps de l’URSS. De l’Europe au Moyen-Orient, de la péninsule coréenne à l’Arctique, il n’y a pas de problème international qui puisse être résolu sans la participation de la Russie. Tel est le message que le Kremlin cherche à imposer.
Pour y parvenir, il a besoin d’un dialogue même conflictuel avec le président américain. Il doit s’imposer comme un interlocuteur indispensable à la solution de crises qu’il a souvent contribué lui-même à créer. Un obstacle se dresse cependant sur sa route. Déçu par Xi Jinping, en délicatesse avec les Européens, isolé sur la lutte contre le réchauffement climatique, influencé par l’idéologie "jacksonienne" teintée d’isolationnisme, le président des Etats-Unis n’est plus le partenaire d’un monde bipolaire disparu avec la fin de la guerre froide.