Le ’’leadership administratif’’ des présidences tournantes

Après la Hongrie, la présidence tournante de l’UE sera exercée par la Pologne. En 2012, ce sera le tour du Danemark et de Chypre. La priorité de ces dix-huit mois sera la préparation du futur cadre financier 2014-2020. Mais l’Union devra aussi assurer la stabilité financière et relancer la croissance économique. Il lui faudra gérer les suites des révolutions arabes.

La Pologne assurera à partir du 1er juillet, pour six mois, la présidence tournante de l’Union européenne. Elle sera suivie, en 2012, du Danemark et de Chypre. Les trois pays, selon un usage récent, se sont mis d’accord sur un programme commun. Ils formeront, au cours des dix-huit mois à venir, le « trio de présidences » chargé de diriger l’Union européenne. Certes, depuis la création du poste de président permanent du Conseil européen, les présidences tournantes ont perdu une partie de leur pouvoir. Mais elles gardent une importante fonction de coordination qui leur permet d’influer, plus ou moins fortement, sur les politiques européennes.

Quelles sont les tâches qui les attendent au second semestre 2011 et pendant l’année 2012 ? Pour y voir plus clair, seize « think tanks » européennes, sous la coordination de l’association Notre Europe, ont analysé les principaux dossiers sur lesquels les trois présidences successives exerceront leur « leadership administratif », selon l’expression employée par les auteurs du rapport final. Un leadership qui sera d’autant plus actif, ajoutent-ils, que les présidences parviendront à nouer avec la Commission et le Parlement, deux autres acteurs-clés du système politique européen, des alliances solides.

L’enjeu des dix-huit mois à venir, estiment les auteurs, n’est pas négligeable alors même que l’Union européenne peine à sortir de la crise économique : il est de savoir si un « sursaut fédéral » est possible pour renforcer l’unité de l’Europe ou si celle-ci est condamnée à une « fragilité durable », voire à un « recul » de ses ambitions. Les « turbulences » qui ont secoué l’Union « ont mis à rude épreuve la détermination des Européens à maintenir leur cohésion », soulignent les auteurs. L’avenir ne s’annonce pas plus souriant. Les prochaines présidences porteront donc en partie la responsabilité du pilotage de l’Europe face aux tempêtes possibles.

Les deux « grandes obsessions » de l’Europe

Pour les auteurs du rapport, la stabilité monétaire et la croissance économique vont rester les deux « grandes obsessions » des Européens. Il appartiendra aux présidences tournantes, dont l’une des fonctions est de présider le Conseil chargé des affaires économiques et financières (Ecofin) d’activer les mécanismes de solidarité financière et de s’assurer que la réforme de la gouvernance économique est mise en oeuvre – même si l’absence de la Pologne et du Danemark de la zone euro limitera nécessairement leur rôle. Elles devront également soutenir les politiques destinées à favoriser la relance de la croissance, en assurant notamment la coordination des diverses stratégies adoptées par l’UE.

Mais leur responsabilité immédiate, l’une des plus lourdes et des plus complexes, sera de préparer le cadre financier pluriannuel 2014-2020, qui déterminera les budgets annuels de l’Union européenne pendant cette période. La définition de ce nouveau cadre sera l’occasion de réexaminer l’ensemble des politiques de l’Union, en particulier les plus dépensières : la politique agricole commune et la politique de cohésion. Les négociations commenceront sous la présidence polonaise. Dans le contexte d’austérité qui s’impose à tous les pays européens, elles seront particulièrement difficiles.

Les relations avec le monde arabe

Un autre dossier-clé, à la frontière de la politique étrangère et de la politique intérieure, sera la gestion des relations de l’Union avec ses voisins arabes. Il s’agira pour les responsables européens à la fois de favoriser les transitions démocratiques dans les pays du Sud de la Méditerranée et de maîtriser les flux migratoires en provenance de cette région par la mise en place d’une politique commune d’asile, d’immigration et de contrôle aux frontières. « Schengen ne doit pas être démantelé », affirment les auteurs du rapport. Quant à la migration économique, disent-ils, elle ne doit pas être envisagée « sous l’angle de la sécurité mais bien comme une contribution aux objectifs de croissance durable ».

Le rapport formule une série de recommandations à l’intention du futur trio de présidences. Elles vont de l’achèvement du marché unique à la stimulation de la croissance en passant par la réforme budgétaire et la surveillance financière. Les auteurs invitent les Européens à « anticiper le ressentiment de la population » face aux réformes de la gouvernance économique. Les acteurs nationaux devront « expliquer clairement à leurs électeurs que la solidarité budgétaire sert leurs intérêts économiques te politiques à long terme ». Il appartiendra également aux trois présidences de continuer les négociations d’adhésion en cours avec la Croatie, l’Islande et la Turquie.