La haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de défense, la Britannique Catherine Ashton, a plutôt mal commencé son mandat. Critiquée dès sa nomination pour son inexpérience politique et sa faible notoriété, blâmée quelques semaines plus tard pour sa visite tardive à Haïti et son absence de la réunion des ministres européens de la défense puis du sommet UE-Maroc, accusée par certains d’être la voix du Foreign Office et par d’autres de laisser trop de pouvoir à la Commission, celle qui exerce en fait, sinon en droit, la fonction de ministre européenne des affaires étrangères a subi un difficile baptême du feu.
Bataille autour du service d’action extérieure
Est-elle capable de mettre fin à ces querelles en montrant à ses détracteurs qu’en dépit de son impréparation elle a les moyens de mener à bien la lourde tâche qui lui a été confiée ? C’est en tout cas ce qu’elle a tenté de faire en présentant, pour la première fois, devant le Parlement européen, mercredi 10 mars, sa vision de la politique extérieure de l’Union européenne et du grand service diplomatique qu’elle est chargée de mettre sur pied. « Nous allons pouvoir commencer à la juger sur le fond, et non seulement sur la forme », confiait un eurodéputé avant la séance. Examen en partie réussi, estimait-il après l’audition.
Mme Ashton était attendue sur le projet de service d’action extérieure, qui doit servir d’ instrument à la diplomatie européenne mais dont la mise en place est déjà devenue une pomme de discorde à Bruxelles. La bataille est en effet engagée pour la répartition des postes à la tête de cet organisme, qui associera aux fonctionnaires de la Commission et du Conseil des diplomates venus des vingt-sept Etats membres. La haute représentante, qui a hérité à la fois des attributions de son prédécesseur, l’Espagnol Javier Solana, et de celles de la commissaire aux relations extérieures, l’Autrichienne Benita Ferrero-Waldner, devra affirmer son autorité sur cette nouvelle institution, qui suscite déjà d’intenses rivalités entre la Commission et les gouvernements des Etats membres.
Une politique « plus forte et plus crédible »
Le Parlement européen, devant lequel s’exprimait Mme Ashton, entend également n’être pas oublié. On mesure la responsabilité qui pèse sur la nouvelle haute représentante et les difficultés qu’il lui faut affronter alors même qu’elle fait figure de novice en diplomatie. Dans son discours, la haute représentante s’est dite consciente de la nécessité de bâtir une politique étrangère européenne « plus forte et plus crédible » en prenant appui sur le futur service d’action extérieure. Elle a appelé à une réponse européenne aux défis de la mondialisation.
Mme Ashton s’est efforcée de mettre en perspective les grandes lignes de la diplomatie des Vingt-sept dans un paysage géopolitique en cours de transformation. Elle a ainsi assigné à l’Europe trois objectifs : assurer une meilleure sécurité dans son voisinage, en incitant à des réformes politiques et économiques ; prendre part à la défense de la sécurité internationale dans le respect de l’Etat de droit ; construire un réseau de relations stratégiques avec les pays-clés et les grandes organisations. Derrière ces formules abstraites se dessinent des problèmes bien concrets tels que la stabilisation des Balkans, la lutte contre la piraterie dans la corne de l’Afrique ou la solution du conflit russo-géorgien, trois exemples présentés par Mme Ashton comme des priorités.
Un quartier général européen ?
Dans le domaine de la défense, la haute représentante met l’accent sur les relations de l’Union européenne avec l’OTAN et avec l’ONU pour conduire des opérations de gestion de crise. Après s’être dite récemment peu convaincue par l’éventuelle création d’un quartier général européen, elle propose d’ouvrir le débat sur le sujet en invitant les Européens à réfléchir sur les fonctions à remplir avant de décider quelles structures celles-ci requièrent. De même, elle relance la discussion, ouverte il y a quelques années par Michel Barnier dans un rapport officiel, sur l’organisation d’une force de protection civile, qui aurait pu intervenir, par exemple, à Haïti.
Le nouveau service diplomatique, explique-t-elle, doit permettre à l’UE de rassembler les divers instruments de son engagement extérieur, aujourd’hui partagés entre la Commission et le Conseil. C’est, dit-elle, une occasion unique de bâtir la politique étrangère de l’Europe pour le XXIème siècle en mobilisant tous ses leviers d’influence – politiques, économiques, militaires. Elle avertit que la construction de ce service se fera par étapes et qu’il faudra du temps pour le mettre en place. Le recrutement se fera au mérite, précise-t-elle. En réponse à ceux qui ont critiqué certaines de ses absences, elle explique qu’elle ne peut pas être partout mais que sa présence n’est pas toujours nécessaire pour que l’UE soit fortement représentée.
Trouver son propre rythme
Le plaidoyer de Mme Ashton ne lèvera pas toutes les suspicions que créent notamment son lointain passé de militante pour le désarmement nucléaire et sa proximité politique avec Londres. Elle doit encore prouver qu’elle sera à la hauteur de la mission dont elle a hérité. Elle a coutume de comparer son parcours à un marathon et d’affirmer qu’il lui appartient de trouver son propre rythme. Si ses premières foulées ont été hésitantes, sa démarche s’affermit. Il lui reste beaucoup de kilomètres à parcourir.