Le nouveau paysage politique allemand

Les élections parlementaires du 27 septembre en Allemagne ont, à la fois, ramené au pouvoir une coalition qui a gouverné le pays plus de quarante ans depuis la fin de la deuxième guerre mondiale et confirmé l’apparition d’un nouveau paysage politique.

Angela Merkel va rester chancelière à la tête d’une coalition « bourgeoise », constituée par les Unions chrétiennes démocrates (CDU et CSU bavaroise) et par les libéraux du FDP. Les sociaux-démocrates (SPD) qui ont participé au pouvoir ces quatre dernières années au sein de la grande coalition subissent le plus grave échec de leur histoire depuis la création de la République fédérale en 1949.

Retour à la normale ?

Avec près de 15% des suffrages, les libéraux réalisent au contraire le meilleur score de leur histoire et leur succès compense les légères pertes de la CDU-CSU (33%), par rapport à 2005. Alors que les démocrates-chrétiens ne profitent pas de la grande popularité d’Angela Merkel, le FDP revient ainsi au pouvoir après avoir été pendant onze ans dans l’opposition, depuis la victoire des sociaux-démocrates et des Verts en 1998 et la formation de la grande coalition en 2005. Or le parti libéral est par nature un parti de gouvernement qui s’est allié avec la CDU-CSU de 1949 à 1956 et de 1961 à 1966, puis de 1969 à 1998, d’abord avec le parti social-démocrate puis avec la démocratie chrétienne à partir de 1982. La coalition « bourgeoise » apparait ainsi comme un « retour à la normale ».

Volatilité

Ce n’est pourtant pas aussi simple. Pendant des décennies le paysage politique allemand a été dominé par trois formations politiques, deux grands partis, dits Volksparteien (partis à vocation populaire) – la CDU-CSU et le SPD, qui avaient besoin de s’allier à tour de rôle avec le petit parti libéral pour avoir une majorité. A l’exception de 1956, quand Konrad Adenauer a obtenu une majorité absolue au Bundestag. A partir des années 1980, les Verts sont venus perturber le jeu. Après la réunification, les anciens communistes d’Allemagne de l’Est sont entrés au Bundestag mais tout le monde pensait alors que le phénomène serait éphémère. Au contraire, ces anciens communistes se sont alliés avec ceux des sociaux-démocrates de l’Ouest qui ont été déçus par le gouvernement rouge-vert et ses réformes. Le parti qu’ils ont formé ensemble, Die Linke (gauche radicale), s’est ainsi implanté dans l’ensemble du pays. L’Allemagne est ainsi passée d’un système à trois partis à un système à cinq partis, dans lequel les coalitions seront plus difficiles à former mais dans lequel les possibilités sont beaucoup plus nombreuses. Au moins théoriquement, car personne ne veut pour le moment s’allier avec Die Linke au niveau fédéral. 12% des voix sont ainsi stérilisés, essentiellement aux dépens de la social-démocratie.

Les choses peuvent changer. Le SPD ne pourra pas toujours se priver du soutien de Die Linke, même s’il est à juste titre réticent à coopérer avec les anciens communistes d’Allemagne de l’Est et avec Oskar Lafontaine, un ancien président du Parti social-démocrate qui a claqué la porte du gouvernement Schröder en 1999.

Le FDP aussi a changé. Depuis 1969 et son alliance avec le Parti social-démocrate de Willy Brandt, il s’est débarrassé de son aile national-libérale. Pendant longtemps, il a été partagé entre un groupe très attentif à la défense de l’état de droit et des libertés individuelles et un groupe partisan du libéralisme économique. Ce dernier a gagné du terrain au cours des dernières années et imprimé sa marque au programme du parti pour ces élections (notamment en réclamant des baisses d’impôts pour les hauts revenus).

Dans la nouvelle coalition, les libéraux seront en position de force par rapport à la démocratie-chrétienne, dont le groupe parlementaire sera à peine deux fois plus nombreux que celui du FDP, alors qu’au temps du chancelier Helmut Kohl les libéraux étaient une simple force d’appoint. Cette situation promet de longues tractations avant que le nouveau gouvernement soit constitué. En attendant, dans diverses régions qui ont récemment élu leur diète locale, des coalitions diverses vont voir le jour, des Verts avec des chrétiens-démocrates, des socio-démocrates avec la gauche radicale et les Verts, ou des grandes coalitions, témoignant ainsi de la volatilité du paysage politique allemand.