Le nouveau plan de la Commission européenne

La Commission de Bruxelles accepte l’idée d’un rétablissement temporaire des contrôles aux frontières intérieures dans des circonstances exceptionnelles. Elle propose une relance de l’action de l’Union européenne pour harmoniser le droit d’asile, réglementer l’immigration légale et lutter contre l’immigration illégale.

Dans le domaine de l’asile et de l’immigration, les politiques européennes affichent, depuis une quinzaine d’années, un triple objectif : elles visent à organiser l’immigration légale, à limiter l’immigration illégale et à codifier le droit d’asile en harmonisant autant que possible les législations des Etats membres. Le nouveau plan que la Commission a présenté mercredi 4 mai et qui sera débattu par les ministres de l’intérieur le 12 mai puis par les chefs d’Etat et de gouvernement le 24 juin, s’inscrit dans cette triple perspective : il propose de favoriser des migrations légales « mieux ciblées », c’est-à-dire mieux adaptées aux besoins des pays d’accueil, de renforcer les contrôles aux frontières extérieures et d’aller vers un régime d’asile européen commun.

Trop sécuritaire ou trop laxiste

A la demande de la France et de l’Italie, la Commission accepte l’idée d’une réintroduction temporaire des contrôles aux frontières intérieures lorsqu’une partie des frontières extérieures est soumise à des pressions exceptionnelles ou qu’un Etat se montre défaillant. Nicolas Sarkozy et Silvio Berlusconi avaient formulé cette demande, dans une lettre conjointe adressée le 26 avril à Herman Van Rompuy, président du Conseil européen, et José Manuel Barroso, président de la Commission, face à l’afflux de réfugiés venus de Tunisie au lendemain de la chute de l’ancien président Ben Ali.

« Le rétablissement temporaire des frontières est une possibilité parmi d’autres », avait répondu M. Barroso. Dans le même temps, celui-ci avait exprimé le double refus d’une vision « trop sécuritaire », qui pourrait paraître contraire aux valeurs mêmes sur lesquelles se fonde le projet européen, et d’une vision « trop laxiste », qui pourrait inquiéter les citoyens européens. La Commission, par la voix de la commissaire Cecilia Malmström, chargée du dossier, estime que la réintroduction des contrôles aux frontières intérieures « pourrait s’avérer nécessaire » dans des conditions « qui resteraient très exceptionnelles ». Elle ne précise pas si elle juge nécessaire une révision des accords de Schengen, qui prévoient déjà le rétablissement des contrôles « lorsque l’ordre public ou la sécurité l’exigent ».

La lettre de Nicolas Sarkozy et Silvio Berlusconi

La lettre franco-italienne invitait l’Union européenne, par delà la question des contrôles aux frontières intérieures, à relancer son action dans le domaine de l’immigration et de l’asile. Elle proposait trois orientations : établir un nouveau partenariat avec les pays tiers afin que ceux-ci, en échange du soutien économique et politique de l’UE, coopèrent efficacement dans la lutte contre l’immigration illégale ; consolider la solidarité financière entre les Etats membres en aidant les plus touchés d’entre eux et en mettant en place un régime d’asile européen commun ; renforcer la sécurité au sein de l’espace Schengen en donnant des moyens accrus à l’agence Frontex, chargée de la gestion des frontières extérieures.

La Commission reprend à son compte la plupart de ces propositions, qui font déjà partie des programmes d’action adoptés antérieurement par l’Union européenne mais qui ne sont encore que partiellement appliquées. Elle souhaite une approche plus « structurée » et plus « réactive » pour répondre aux nouveaux défis migratoires. Elle annonce des initiatives pour permettre en particulier l’immigration légale vers l’UE de « personnes possédant les compétences nécessaires pour l’aider à combler les déficits prévus de main d’oeuvre et parer au déclin prévu de sa population en âge de travailler ».

Elle veut aussi renforcer « la gouvernance de Schengen » et garantir que chaque Etat membre « contrôle efficacement sa portion des frontières externes de l’Union ». Elle souhaite le parachèvement en 2012 du régime d’asile commun. Elle insiste également sur le renforcement des relations avec les pays tiers pour organiser l’immigration légale et pour prévenir l’immigration illégale.

Le ministère français des affaires étrangères s’est dit satisfait des efforts engagés par la Commission. Il juge sa communication comme « une première contribution utile et une très bonne base de travail ». Il estime qu’une nouvelle gouvernance de Schengen est nécessaire, « fondée sur davantage de discipline collective et de cohésion », et attend des chefs d’Etat et de gouvernement des « décisions concrètes » pour renforcer l’espace commun de libre circulation. 

Réduire les divergences entre les Etats membres

L’harmonisation des politiques européennes en matière d’immigration et d’asile est loin d’être achevée, même si elle progresse d’un plan d’action à l’autre. L’Union européenne a adopté de nombreuses directives pour tenter de réduire les divergences entre les Etats membres, mais les gouvernements nationaux conservent encore d’importantes marges de manoeuvre, qui conduisent au maintien de disparités. Celles-ci se révèlent en particulier dans les moments de crise, comme on le voit après les révolutions arabes. Aussi la Commission en appelle-t-elle à « la mobilisation de l’ensemble des Etats membres » à la fois pour répondre, à court terme, aux situations d’urgence et pour mettre en place, à long terme, des politiques communes.