Le paradoxe Karamanlis

Le premier ministre grec, Costas Karamanlis, s’est résolu à annoncer des élections anticipées pour le 4 octobre, deux ans après avoir remporté une victoire étriquée (une voix de majorité). Il n’avait plus le choix.

Critiqué dans son propre parti, la Nouvelle Démocratie, acculé par l’opposition socialiste (PASOK) qui avait annoncé qu’elle provoquerait des élections législatives à l’occasion de la nomination du président de la République en mars 2010, ébranlé par des scandales de corruption et accusé d’incompétence à la suite des graves incendies qui ont ravagé la région d’Athènes, Costas Karamanlis ne pouvait guère choisir que la fuite en avant. Car les sondages ne lui sont pas favorables. Son parti est à la traine de six points derrière le PASOK, présidé par Georges Papandreou, fils et petit-fils de premiers ministres grecs. Costas Karamanlis est lui-même le neveu de Constantin Karamanlis qui présida au retour de la démocratie en 1974, après la dictature des colonels.

Est-ce un suicide politique ? Ce n’est pas si sûr. Tous les observateurs sont d’accord pour dire que la situation n’aurait pas été meilleure pour la Nouvelle Démocratie au début de l’année prochaine. Le premier ministre a justifié sa décision de dissoudre le Parlement deux ans avant l’échéance normale par la situation exceptionnelle dans laquelle se trouve la Grèce. La crise n’a pas encore fait sentir tous ses effets mais le pire est à venir. La Commission de Bruxelles s’apprête à porter un jugement très sévère sur l’état des finances grecques et à demander au gouvernement d’Athènes une politique budgétaire plus stricte.

C’est là qu’intervient le paradoxe Karamanlis. Car le premier ministre promet de faire pendant la prochaine législature ce qu’il n’a pas fait depuis plus de cinq ans (il a été élu pour la première fois en mars 2004) : rétablir les finances publiques, lutter contre l’évasion fiscale et la corruption, engager les réformes de structure dont la Grèce a grand besoin. Pourquoi les électeurs lui feraient-ils confiance pour réaliser demain ce qu’il a été incapable de mener à bien auparavant ?

Le PASOK et Georges Papandreou comptent sur cette contradiction pour rallier des électeurs hésitants, qui regardent avec un certain mépris leur classe politique mais qui s’accommodent fort bien, individuellement, des passe-droits et autres petits arrangements avec la loi que le système tolère.

Les milieux financiers et industriels grecs seraient plutôt favorables à une grande coalition entre les deux grands partis, comme en Allemagne, surtout si la Nouvelle Démocratie, menacée sur sa droite, et le PASOK, contesté sur sa gauche, ne sont pas en mesure de remporter une majorité absolue. Mais la tradition politique grecque, l’affrontement idéologique et le partage des prébendes, ne prêchent pas dans ce sens.

A moins d’une surprise, l’issue la plus probable du scrutin du 4 octobres est une faible majorité pour le PASOK. Mais les problèmes qui attendent Georges Papandreou, le troisième chef de gouvernement de la famille, sont les mêmes que ceux que Costas Karamanlis a été incapable de résoudre.