Que peut-on attendre du nouveau Parlement européen, élu en juin 2009 ? Le voici en ordre de bataille, après avoir tenu en juillet sa première session et élu ses organes dirigeants. Quelle sera son influence sur les politiques européennes dans les années à venir ? Pour tenter d’y voir plus clair, une spécialiste, Julia De Clerck Sachsse, a analysé avec soin les résultats du scrutin, le nouvel équilibre des forces et le choix des personnalités appelées à occuper les principaux postes de responsabilité dans la nouvelle assemblée.
Cette étude est publiée par un des plus actifs laboratoires d’idées bruxellois, le Centre for European Policy Studies (« The European Parliament : all change or business as usual ? »). Sa conclusion est que la nouvelle assemblée devrait contribuer à « dynamiser » le processus de décision de l’Union européenne mais qu’il lui faudra en même temps défendre sa légitimité démocratique face aux Etats membres.
L’emprise du centre droit
Le nouveau Parlement est à la fois plus conservateur et plus « vert » que le précédent. Marqué par la lourde défaite de la social-démocratie dans la plupart des pays, le scrutin a assuré l’emprise du groupe du Parti populaire européen (PPE), situé au centre droit, sur l’assemblée nouvellement élue. Il a aussi consacré la progression des Verts en France, en Allemagne et en Belgique, ce qui obligera à compter avec eux en une période où la lutte contre le changement climatique est à l’ordre du jour.
Deux nouveaux groupes ont fait leur apparition : les eurosceptiques, qui rassemblent les conservateurs britanniques et leurs homologues polonais et tchèques ; et l’extrême-droite, qui réunit les Britanniques du Parti de l’indépendance, partisans de la sortie de la Grande-Bretagne de l’UE, et les Italiens de la Ligue du Nord. Ces deux groupes, quoique marginaux, peuvent exercer une certaine influence. Les eurosceptiques ont obtenu la présidence de l’importante commission du marché intérieur. Globalement, la domination de la droite interdit à la gauche, même alliée aux libéraux, de constituer une majorité absolue. Toutefois il est probable, selon l’auteur, que la recherche d’accords entre les deux grandes forces – le PPE et les sociaux-démocrates – continuera de prévaloir.
La répartition des présidences de commissions
Le nouvel équilibre des pouvoirs s’exprime aussi dans l’attribution des présidences. La désignation d’un Polonais, Jerzy Buzek, à la fonction hautement symbolique de président du Parlement apparaît comme un « emblème de l’unification européenne ». Les présidences de commissions donnent lieu à quelques inflexions significatives. Les portefeuilles économiques sont désormais dominés par les libéraux (avec la Britannique Sharon Bowles à la tête de la commission des affaires économiques et monétaires et l’Allemand Wolf Kling à celle de la commission spéciale sur la crise économique et financière) et le centre droit (avec l’Allemand Herbert Reul à la présidence de la commission de l’industrie et le Britannique Malcolm Harbor à celle du marché intérieur).
En revanche, les sociaux-démocrates sont à la tête de deux commissions qui auront un rôle à jouer au moment où l’UE met l’accent sur sa dimension sociale et environnementale : la commission des affaires sociales et de l’emploi, présidée par la Française Pervenche Berès, et la commission de l’environnement, présidée par l’Allemand Jo Leinen. Le défi lancé aux eurodéputés, estime l’auteur de l’étude, sera de contrebalancer une politique économique de centre droit, axée sur le marché intérieur et l’industrie, par une politique de gauche en matière sociale et environnementale. Le Sommet de Copenhague sur le réchauffement climatique sera au cœur de cette problématique.
L’application du traité de Lisbonne
Au-delà de ces évolutions politiques, les changements les plus importants pourraient venir de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, qui augmentera sensiblement les compétences du Parlement. Celui-ci aura désormais son mot à dire dans une gamme élargie de sujets. Mais en même temps il devra s’accommoder du rôle reconnu par le traité aux Parlements nationaux. Un récent arrêt de la Cour constitutionnelle allemande va dans le même sens en réaffirmant les droits des élus nationaux, au risque de mettre en question la légitimité démocratique du Parlement européen. C’est à ce défi que devra également répondre la nouvelle assemblée.