Le pyromane dans la poudrière proche-orientale

La tentation est grande de s’abandonner au fatalisme. Depuis si longtemps que le « processus de paix » au Proche-Orient est une formule vide de sens, la décision de Donald Trump, le mercredi 6 décembre, de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël et d’y transférer, dans deux ou trois ans, l’ambassade des Etats-Unis, n’est peut-être qu’une péripétie parmi d’autres.
Au pire, elle provoquera quelques manifestations de colère de la part des Palestiniens et de leurs rares « amis » arabes. Des drapeaux américains et israéliens ont déjà été brûlés. La sécurité des représentations diplomatiques américaines dans les pays musulmans a été renforcée. Mais même les critiques de cette nouvelle foucade de Trump aux Etats-Unis sont d’avis que les protestations feront long feu.
Au mieux, ce changement radical de l’attitude de Washington dans le conflit israélo-arabe redistribuera les cartes et permettra une relance des négociations sur de nouvelles bases pour aboutir à la solution de deux Etats – israélien et palestinien – vivant côte à côte. Donald Trump a évoqué cette issue, « si les parties le veulent », a-t-il ajouté. Ce qui n’est pas le cas au moins de son ami Benjamin Nétanyahou.
Ce serait cependant faire preuve de beaucoup d’optimisme. Le président américain est supposé travailler dans la discrétion à une nouvelle initiative de paix dont son gendre, Jared Kushner, est la cheville ouvrière. On voit mal comment la faveur unilatérale qu’il vient d’accorder à Israël peut être propice à un compromis. A moins de penser que les Palestiniens n’ont le choix qu’entre subir la poursuite de l’occupation ou capituler.
Le statut de Jérusalem est avec le sort des réfugiés et le tracé des frontières un des trois sujets sur lesquels ont achoppé depuis des années les négociations entre Israéliens et Palestiniens. En proclamant Jérusalem capitale de l’Etat hébreu, tout en laissant entendre que les questions de souveraineté dans la ville pourraient être réglées pendant la phase de négociation, Donald Trump ajoute un obstacle supplémentaire.
En donnant satisfaction à ses électeurs les plus radicaux – juifs orthodoxes et chrétiens évangéliques – et aux généreux donateurs de sa campagne, il prive la diplomatie américaine de son rôle d’intermédiaire dans le conflit. Malgré le soutien que tous les présidents américains ont garanti à Israël depuis 1948, les Etats-Unis avaient su jusqu’à maintenant ménager leur position de principal, et souvent unique, « honnête courtier ».
De surcroît, la décision de Trump n’éclate pas dans un ciel serein. De quelque côté que l’on se tourne au Proche et au Moyen-Orient, les conflits se multiplient, les menaces s’accumulent, les rivalités entre puissances régionales s’aiguisent. Au lieu d’essayer d’apaiser les tensions, le président américain donne l’impression d’éprouver un malin plaisir à jeter de l’huile sur le feu, qu’il s’agisse aujourd’hui de la Palestine, ou hier de l’Iran et de l’Arabie saoudite.
Les méthodes anciennes appliquées par ses prédécesseurs ne nous ont pas rapprochés de la paix, pense Donald Trump. La sienne ne peut donc être pire. Rien n’est moins sûr. La diplomatie est un long et patient processus, certes souvent frustrant, qui s’accommode mal des apprentis sorciers.