Le retour de la gauche

Victimes de la crise, les libéraux danois cèdent le pouvoir aux sociaux-démocrates, qui se veulent les garants du « modèle danois ». Le populisme est en recul.

La défaite de la droite libérale aux élections législatives danoises, après dix années au pouvoir, démontre une fois de plus la difficulté pour les gouvernements sortants d’échapper, en temps de crise, au désaveu des opinions publiques. Ce réflexe a joué sans aucun doute au Danemark comme il pourrait jouer dans quelques semaines en Espagne et plus tard en France, en Allemagne ou en Italie.

Certes les libéraux, avec 26,7 % des voix, arrivent en tête du scrutin et font même un peu mieux qu’en 2007, alors que les sociaux-démocrates régressent légèrement, passant de 25,5 % à 24,9 %. Mais la coalition de gauche dans son ensemble améliore nettement ses résultats. Le retour au pouvoir des sociaux-démocrates, dont la dirigeante, Helle Thorning-Schmidt, devient la première femme première ministre au Danemark, est donc dans la logique du rejet des équipes en place, usées par la gestion de la crise, qu’elles ne parviennent pas à maîtriser.

Le scrutin danois présente toutefois deux particularités qui méritent l’attention. La première est le recul de l’extrême-droite. Un recul faible (de 13,9 % à 12,3 %) mais significatif. On aurait pu penser en effet que l’échec des libéraux profiterait au Parti du peuple danois, au moment où les mouvements populistes sont en progression partout en Europe et menacent les partis gouvernementaux, de droite comme de gauche. Or il n’en a rien été : pour la première fois depuis sa création en 1995 le Parti du peuple danois enregistre une baisse, même s’il reste le troisième parti du pays. Une partie de l’électorat a exprimé son refus de l’influence exercée par l’extrême droite sur la politique du gouvernement sortant, notamment dans le domaine de l’immigration.

L’autre particularité du résultat des élections danoises est d’ordre symbolique. Le Danemark est en effet la principale référence de l’Union européenne en termes de modèle social. Le pays est réputé pour avoir mis en place une politique dite de « flexi-sécurité » qui consiste à combiner une plus grande facilité à licencier pour les entreprises et un dispositif d’indemnisation plus généreux pour les salariés, assorti d’une politique active de l’emploi. La Commission européenne ne cesse de donner en exemple le « modèle danois », encourageant les Etats membres à adopter des formules analogues.

Or les libéraux ont commencé à s’attaquer à l’un des éléments clés de ce système, en réduisant de moitié la durée d’indemnisation des chômeurs, alors même que le taux de chômage a augmenté en 2011 d’une manière spectaculaire, dépassant le chiffre de 7 % contre 4 % environ en 2O10.

L’électorat s’est mobilisé pour défendre un modèle jugé trop coûteux, en période de crise, par la droite mais associé depuis de longues années à l’identité de la gauche et à la bonne réputation des sociaux-démocrates danois auprès de leurs homologues européens. Ce n’est pas un hasard si l’actuel président du Parti socialiste européen, élu en 2004, est l’ancien premier ministre danois Poul Nyrup Rasmussen. 

La nouvelle première ministre, Helle Thorning-Schmidt, doit désormais affronter les réalités du gouvernement. Il lui faudra faire travailler ensemble les différents partis de sa majorité, qui se sont unis pour la conquête du pouvoir mais qui restent divisés sur plusieurs sujets importants tels que l’immigration ou la relance économique. Il lui faudra surtout sortir le pays de la crise sans sacrifier la protection sociale qui est l’un des traits distinctifs du modèle danois. Les socialistes européens suivront avec attention son parcours, dans l’espoir de bénéficier à leur tour des difficultés de la droite.