Le retour de la question palestinienne

Il y a trente ans, en septembre 1993, les accords d’Oslo, marqués par la poignée de mains historique entre Itzhak Rabin, premier ministre israélien, et Yasser Arafat, président de l’Organisation de libération de la Palestine, avaient éveillé de formidables espoirs de paix. L’interminable affrontement entre Israéliens et Palestiniens allait enfin prendre fin. De part et d’autre, la raison l’emportait sur les passions. Il n’en a rien été, on le sait, et les deux parties, loin de se montrer plus accommodantes, n’ont cessé de durcir leurs positions : l’assassinat d’Itzhak Rabin, deux ans plus tard, par un militant d’extrême droite, a mis en échec le processus de réconciliation tandis que, du côté palestinien, la multiplication des attentats relançait le conflit.

Dès lors la question palestinienne a disparu de l’horizon de la communauté internationale, y compris des pays arabes, dont plusieurs ont choisi de renouer les relations avec Israël sans y mettre pour condition la reprise du dialogue sur l’avenir des Palestiniens. Pendant trente ans, la situation est restée bloquée.
Les crimes barbares des terroristes du Hamas, le 7 octobre, suivis de la violente riposte de l’armée israélienne sur Gaza, à partir du lendemain, vont-ils la débloquer ? Ce serait un paradoxe que les combats sanglants autour de Gaza, qui ont exacerbé les haines et accru l’incompréhension entre les deux parties, ouvrent, à terme, le chemin de la paix alors même que les tueries ont atteint une intensité que personne ne pouvait envisager.

Pourtant cette hypothèse, aussi lointaine soit-elle, n’est pas exclue. Du mal, pensent les plus optimistes, pourrait sortir un bien. C’est précisément parce que l’horreur a dépassé les niveaux auxquels on s’était plus ou moins habitué que le monde entier s’en est ému et que la nécessité de trouver une solution durable pour éviter le renouvellement de tels carnages a commencé à gagner les esprits. Les chancelleries occidentales, en particulier, qui s’étaient détournées de la question palestinienne depuis trois décennies, l’ont remise sur la table. La poursuite de la guerre entre Israéliens et Palestiniens leur est soudain devenue insupportable. Faute de faire revivre les accords d’Oslo, elles réfléchissent aux moyens d’en faire renaître l’esprit.

La solution à deux Etats

La solution, chacun ou presque en convient aujourd’hui, est celle de la cohabitation de deux Etats, ce qui suppose, d’un côté, la création d’un Etat palestinien sur le territoire de Gaza et de la Cisjordanie et, de l’autre, la reconnaissance de l’Etat d’Israël dans ses frontières actuelles et la garantie de sa sécurité. Le problème est que la plupart des organisations palestiniennes, à commencer par le Hamas, refusent avec force cette perspective et continuent de dénier le droit d’Israël à l’existence. En face, la droite israélienne, sous l’autorité de Benyamin Netanyahou, est également vent debout contre l’hypothèse d’un Etat palestinien. La solution à deux Etats apparaît donc à la fois théoriquement comme le seul scénario capable de ramener la paix et pratiquement comme celui dont les dirigeants actuels des deux camps en présence ne veulent surtout pas.

Conclusion, à moins que ces dirigeants ne changent d’avis, ce qui est peu probable, le salut ne peut venir que d’un changement de pouvoir d’un côté comme de l’autre. Du côté palestinien, une fois le Hamas écarté, il faudra qu’un nouveau leader prenne la place du président de l’Autorité palestinienne, le vieux Mahmoud Abbas, 88 ans, largement déconsidéré, en espérant que la nouvelle génération de dirigeants soit plus ouverte à la négociation. Du côté israélien, la succession de Benyamin Netanyahou est désormais à l’ordre du jour. L’Autorité palestinienne rénovée comme le gouvernement israélien à venir doivent tenter de surmonter les anciennes querelles pour se tourner vers l’avenir. Comme l’a écrit le grand écrivain israélien Amos Oz, cité par Le Monde, « on ne se mettra jamais d’accord sur le passé, on peut peut-être se mettre d’accord sur le futur ».
Ce sera difficile, mais c’est la seule voie.

Thomas Ferenczi