Le président mexicain Felipe Calderon s’est rendu mardi 16 mars pour la troisième fois en un mois à Ciudad Juarez, ville frontière avec les Etats-Unis, pour y présenter une nouvelle approche, plus sociale, de son plan contre les cartels de la drogue. La violence liée au narcotrafic ne cesse d’augmenter au Mexique (6500 morts en 2009 contre 5000 en 2008). Dans un contexte économique difficile dominé par les retombées de la crise économique américaine, la situation se dégrade alors que le pays se prépare à une série d’élections importantes.
Cette année, douze Etats sur trente deux (y compris le District fédéral de Mexico) vont élire en juillet leur gouverneur. C’est un prélude à l’élection présidentielle de 2012 qui pourrait voir le retour au pouvoir d’un homme du PRI, le Parti révolutionnaire institutionnel qui a gouverné le Mexique pendant soixante et onze ans, jusqu’en 2000. Cette année-là, le candidat du PAN (Parti d’action nationale), Vicente Fox, l’avait emporté, mettant fin à ce que l’historien mexicain Enrique Krauze appelle « la présidence impériale ». Vincente Fox avait été élu contre le candidat du PRD (Parti de la révolution démocratique) Cuauhtémos Cardenas et celui du PRI. En 2006, son successeur Felipe Calderon est aussi issu du PAN – les présidents mexicains ne peuvent accomplir qu’un seul mandat – à l’issue d’un scrutin très contesté. Felipe Calderon a obtenu 35,88% des voix contre 35,31% à Cuauhtémoc Cardenas qui n’a jamais reconnu une défaite, selon lui, entachée de fraudes.
Depuis 2006, la vie politique mexicaine s’est polarisée, non seulement entre le PAN et le PRD, à la suite des contestations de l’élection présidentielle, mais entre ces deux partis d’une part et le PRI d’autre part. Avant le scrutin de cette année, le PRI contrôle dix neuf Etats ; il en a gagné six lors d’élections partielles en 2009 alors que sept sièges étaient en jeu. De plus, depuis les élections législatives de l’année dernière, le Parti révolutionnaire institutionnel a la majorité à la Chambre des députés.
« Tout sauf le PRI »
Déjà dans la perspective du scrutin présidentiel de 2000, le PAN et le PRD, sentant qu’il était possible de mettre fin la « dictature parfaite » du PRI, avaient tenté de faire cause commune. L’alliance s’était brisée sur une divergence à propos du candidat qui aurait dû la représenter. En 2012, le slogan « tout sauf le PRI » pourrait redevenir à la mode bien que les divergences entre la droite et la gauche demeurent. La situation a changé. Il ne s’agit plus de chasser le PRI du pouvoir mais de l’empêcher d’y revenir. Or la crise économique aidant, le changement a de nouveau le vent en poupe. En 2009, le PIB mexicain a reculé de 6,7%, le nombre de pauvres a augmenté de 8 millions de personnes, portant le pourcentage de la population qui vit avec moins de 2 dollars par jour à 35%. L’avenir dépend de la reprise aux Etats-Unis, qui absorbe 85% des exportations mexicaines.
L’alternance au pouvoir survenue en 2000 n’a pas mis fin aux maux endémiques de la vie politique, la corruption, le clientélisme et, surtout quand les choses vont mal, le nationalisme.
« Colombisation »
Felipe Calderon a fait de la « guerre » contre le narcotrafic la priorité de sa présidence mais tout le monde pense qu’il a peu de chances de la gagner. L’expression de « colombisation » du Mexique a fait son apparition mais les experts pensent que la situation y est encore pire qu’en Colombie. En effet, les gangs mexicains se trouvent tout le long de la chaîne, depuis la production jusqu’à la vente « au détail » dans les rues des grandes villes étasuniennes.
Or les cartels de la drogue sont très liés aux politiciens locaux qu’ils financent et qu’ils contrôlent. C’est un des effets pervers de la « démocratisation relative » qui a suivi la chute du PRI au niveau fédéral. Le contrôle des instances locales, notamment des postes de gouverneurs, est essentiel pour le financement des campagnes électorales et la mobilisation des électeurs.
Pour rétablir la situation économique, des réformes sont essentielles, comme par exemple la fin du monopole sur le pétrole de la compagnie d’Etat Pemex, mais Felipe Calderon n’a pas de majorité au Parlement pour les faire passer. A moins que le PRI, majoritaire, estime de son intérêt d’approuver les réformes impopulaires du temps de la présidence Calderon, à laquelle elles seront imputées, plutôt que d’attendre d’être au pouvoir pour être contraint de les faire.
En tous cas, le retour du PRI semble être redevenue une hypothèse rassurante pour une majorité de la population, y compris pour le grand patronat mexicain qui avait misé sur le programme de privatisations du PAN. Selon un récent sondage, 50% des Mexicains souhaitent une victoire du candidat du PRI en 2012 contre 16% pour le candidat du PAN et 11% pour celui de la gauche.