Le réveil européen de Barack Obama

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Barack Obama devait être le président de l’ère post européenne. En annexant la Crimée, Vladimir Poutine a replacé l’Europe au centre des préoccupations. Dans sa politique étrangère, Obama avait donné la priorité à l’Asie vers laquelle la stratégie américaine était appelée à « pivoter ». Après avoir retiré ses troupes d’Irak en attendant un départ d’Afghanistan cette année, il avait abandonné à son secrétaire d’Etat les tentatives de règlement du conflit israélo-palestinien. Les troupes américaines en Europe avaient vu fondre leurs effectifs. Depuis la chute du mur de Berlin et la dissolution de l’Union soviétique qui mettaient fin à la guerre froide, le Vieux continent n’était plus la préoccupation principale des Etats-Unis. Au XXème siècle, par deux fois en l’espace d’une génération, ils avaient dû venir mettre de l’ordre en Europe. Pendant un demi-siècle, ils avaient dû y rester pour assurer la sécurité face au camp communiste. Depuis les années 1990, cette réassurance avait perdu de sa pertinence, sauf peut-être pour les pays d’Europe centrale et orientale qui venaient de se libérer.

L’Alliance atlantique et son bras armé, l’Organisation de l’Atlantique nord (OTAN), ont passé vingt ans à se chercher une nouvelle raison d’être. Privées de missions en Europe après leur élargissement vers l’Est, elles se sont tournées vers les opérations « hors zone », d’abord dans les Balkans puis jusqu’à l’Afghanistan après les attentats du 11 septembre 2001. L’OTAN envisageait même de devenir une alliance « globale ». Anticipant le retrait d’Afghanistan, des experts avaient planché pendant des mois en 2010 sur une nouvelle doctrine.

Le réveil est brutal. La crise en Ukraine a relancé une tension entre l’est et l’ouest, inconnue depuis la fin de la guerre froide. La paix qui semblait garantie ne l’est plus. Poutine a montré qu’il était de nouveau possible de modifier les frontières par la force. Il l’avait déjà fait en 2008 en Géorgie, mais pour les Européens c’était loin, dans un Caucase de toute façon instable. Kiev, en revanche, c’est l’Europe. La Russie a violé les règles qu’elle avait elle-même acceptées. Quand l’Ukraine a proclamé son indépendance, en 1991, en même temps que la Russie, le Kremlin s’était engagé à respecter l’intégrité territoriale du pays. Selon la « doctrine Poutine », Moscou se réserve le droit d’intervenir dans les pays voisins où se trouvent des Russes ou des russophones.

Où Poutine s’arrêtera-t-il ? Malgré les déclarations des dirigeants occidentaux, l’annexion de la Crimée est considérée comme un fait accompli. Les sanctions décidées à Washington et à Bruxelles contre la Russie visent à empêcher le président russe d’aller plus loin. Et la vieille OTAN reprend des couleurs. Elle intensifie la surveillance aérienne des frontières des Etats baltes. Théoriquement ceux-ci pourraient être la cible des visées expansionnistes de Poutine mais leur appartenance à l’Union européenne et à l’OTAN devrait les mettre à l’abri. Leurs dirigeants se réfèrent à l’article 5 de la charte de l’Atlantique qui considère une menace contre un des pays de l’Alliance comme une menace contre tous. Cet article n’a jamais été mis en œuvre pendant les six décennies d’existence de l’OTAN.

Dans la mesure où les Européens ne peuvent ni ne veulent assurer leur propre défense, plus d’OTAN signifie plus d’Amérique. Dans des conditions moins dramatiques qu’en 1917 et 1941, Barack Obama est après Woodrow Wilson et Franklin D. Roosevelt, le troisième président américain qui doit revenir en Europe.