Le « shutdown », un mauvais coup pour la diplomatie américaine

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Le « shutdown », cette fermeture du gouvernement fédéral consécutive à l’absence d’un compromis sur le budget entre la Maison blanche et les démocrates d’une part, les républicains, majoritaires à la Chambre des représentants d’autre part, ne paralyse pas seulement le fonctionnement des pouvoirs publics aux Etats-Unis. Il handicape aussi la diplomatie de la première puissance de la planète, au moment même où elle apparait, pour d’autres raisons, affaiblie et hésitante. Barack Obama a annulé une tournée en Asie et sa participation à la conférence annuelle de l’APEC, le Conseil économique de l’Asie-Pacifique, qui se tient en Indonésie.

Il ne peut pas se permettre de quitter Washington alors que le bras de fer avec le Congrès n’est pas réglé. Il y va de son autorité et des prochaines années de son deuxième et dernier mandat. La querelle porte à la fois sur le déficit budgétaire et sur la limite de la dette qui, si elle n’est pas relevée avant le 17 octobre, entrainera pour la première fois un défaut de paiement des Etats-Unis.

En réalité, le conflit porte plus encore sur la conception même de la politique et des institutions. Les éléments les plus conservateurs du Parti républicain, regroupés autour du Tea Party, ont pris en otage la majorité des élus du Great Old Party. Ils ne recherchent pas un compromis budgétaire ; ils veulent infliger à Barack Obama, le premier président noir des Etats-Unis, une défaite humiliante.

A la réunion de l’APEC, le chef de la Maison blanche a donc laissé la vedette à Vladimir Poutine et plus encore au président chinois Xi Jinping. Ce dernier a plaidé pour un renforcement de la coopération régionale et il serait prêt à faire participer la Chine à la zone de libre échange du Pacifique que les Etats-Unis essaient de créer avec leurs alliés de la région. Dans un premier temps au moins, cette zone était conçue comme une forme d’endiguement de la puissance chinoise dans la Pacifique. Les conditions d’adhésion – libre circulation, respect de la propriété intellectuelle, etc. – étaient telles que Pékin devait rester à l’écart.

Les Chinois ont bien compris le danger. Ils hésitent à s’engager à respecter des principes qu’ils bafouent par ailleurs même si ce sont ceux de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à laquelle ils ont adhéré en 2000. Mais en même temps, ils considèrent d’un mauvais œil la création d’une organisation régionale dont ils seraient exclus. L’absence de Barack Obama à la réunion de l’APEC leur offre l’occasion de se montrer sous leur meilleur jour à leurs voisins asiatiques qui les craignent et les envient à la fois. Xi Jinping s’est bien gardé de mentionner les revendications territoriales de la Chine à l’égard des pays de la région. Ceux-ci comptent sur la protection américaine tout en évitant d’entreprendre toute action qui pourrait être interprétée par Pékin comme une provocation.

Barack Obama aura certainement l’occasion de revenir en Asie. Mais pour un président qui a fait du « pivotement » vers ce continent la priorité de sa politique étrangère, être obligé par une poignée d’irréductibles du Tea Party de rester à Washington pendant que les Asiatiques se concertent, c’est un lourd tribut payé à la démocratie.