En reconduisant d’une manière non équivoque la majorité parlementaire qui soutient depuis treize ans le président Abdelaziz Bouteflika, les électeurs algériens n’ont pas suivi la voie de leurs voisins tunisiens, égyptiens ou libyens, qui ont choisi, il y a un an, de se débarrasser de leurs dirigeants. Le vent du printemps arabe a épargné l’Algérie, qui a refusé l’aventure du changement pour les avantages de la stabilité.
A en juger par la faible participation au scrutin (autour de 42 %), les Algériens ont exprimé un certain scepticisme à l’égard de leurs élus. Ils n’en ont pas moins écarté toute idée de bouleversement, en maintenant leur confiance aux hommes et aux partis au pouvoir.La victoire du FLN, l’historique Front de libération nationale, aux commandes du pays depuis l’indépendance en 1962, est nette : avec 220 sièges (sur 462) il dominera la nouvelle Assemblée ; associé au Rassemblement national démocratique (RND), le parti du premier ministre, Ahmed Ouyahia, qui obtient 68 sièges, il formera une coalition assurée d’une majorité absolue.
De leur côté, les trois partis islamistes réunis dans l’Alliance verte devront se contenter de 48 sièges. En recul par rapport à 2007, ils essuient un revers d’autant plus inattendu que cette mouvance a progressé partout dans le monde arabe au lendemain des révoltes de 2011. Ils ont aussitôt dénoncé une « fraude massive », soulignant, avec d’autres, plusieurs anomalies dans le déroulement du scrutin, en particulier dans le vote des militaires. Mais les observateurs dépêchés par l’Union européenne ont affirmé que les élections s’étaient déroulées « dans des conditions assez satisfaisantes ». A Paris le Quai d’Orsay a noté l’absence d’ « incident sérieux ». Selon le ministre de l’intérieur algérien, le peuple a voté « pour ceux qu’il connaît bien ».
Le traumatisme de la guerre civile
Ce choix de la continuité s’explique en grande partie, pense-t-on, par le profond traumatisme des années de guerre civile qui ont suivi, dans les années 90, l’interruption du processus électoral en 1991 après la victoire du Front islamique du salut. Cet épisode sanglant a provoqué la mort d’environ cent mille personnes. Nul ne souhaite revivre une pareille tragédie.
A ce souvenir douloureux s’ajoute la personnalité du président Abdelaziz Bouteflika, qui n’est pas un dictateur comme les autres. Outre qu’il reste, à soixante-quinze ans, un des grands témoins de la guerre d’indépendance, il n’est pas vraiment perçu comme l’incarnation du pouvoir personnel, mais plutôt comme le porte-parole d’un groupe de dirigeants, civils et militaires, aux contours imprécis.
Surtout, le président algérien a su utiliser la rente pétrolière pour répondre à certaines des revendications de la population et calmer les impatiences, les colères ou les protestations. Les revenus du pétrole et du gaz, qui auraient pu favoriser l’industrialisation du pays, ne servent malheureusement, pour l’essentiel, qu’à enrichir des élites corrompues. La hausse du prix du baril a rendu possible une croyance moyenne annuelle d’environ 5 % depuis dix ans mais le chômage reste élevé (entre 20 % et 25 %).
Un esprit nouveau ?
On voit mal comment les dirigeants d’hier, confirmés par le vote des électeurs,pourraient venir à bout de ce que le FFS (Front des forces socialistes), l’un des principaux partis d’opposition, appelle les « impasses stratégiques du système au pouvoir ».Le ministre de l’intérieur a appelé les élus à remplir leur mission avec « un esprit nouveau ». Si l’on excepte la forte augmentation du nombre de femmes à l’Assemblée nationale, cet esprit nouveau n’est guère perceptible. Rendez-vous dans deux ans à la fin du mandat d’Abdelaziz Bouteflika.