Les conférences des ambassadeurs se suivent et ne se ressemblent pas. Cette réunion, créée il y a dix sept ans par Alain Juppé alors ministre des affaires étrangères, est l’occasion pour les principaux responsables de l’Etat de tracer les grandes lignes de la politique extérieure française. Et d’abord pour le président de la République. En 2007, Nicolas Sarkozy avait développé le thème de la rupture avec « le compromis de Gaulle-Mitterrand-Chirac », même s’il n’avait pas employé l’expression utilisée par Hubert Védrine. En 2008, il s’était présenté auréolé de sa médiation dans le conflit entre la Russie et la Géorgie. Depuis, tout le monde feint d’oublier que Moscou n’a pas respecté ses engagements et a non seulement reconnu « l’indépendance » de l’Abkhazie et de l’Ossétie du sud, mais encore interdit leur territoire à la mission d’observation de l’Union européenne, contrairement à la lettre de l’accord qui a mis fin au conflit en août 2008. L’année suivante, nous étions en pleine crise financière et économique et en matière diplomatique, 2009 était l’année du retour de la France dans le commandement militaire intégré de l’OTAN. A ce propos, Nicolas Sarkozy a annoncé qu’il participerait en novembre au sommet de l’Alliance atlantique à Lisbonne, ce qui n’est pas une surprise, et qu’à cette occasion l’OTAN adopterait un nouveau concept stratégique, ce que tout le monde savait.
Cette année, aucun dossier dominant si ce n’est la préparation de la présidence française du G8 et du G20. Nicolas Sarkozy a des idées. Il souhaite un secrétariat pour le G20 qui, sans créer une nouvelle bureaucratie internationale, serait chargé de suivre la mise en œuvre des décisions des sommets. Il veut ajouter des thèmes à l’ordre du jour traditionnel de ces réunions, la spéculation sur les matières premières, la stabilité des taux de change, la réforme de l’ONU, etc. Le volontarisme qui devait être sa marque en politique intérieure doit s’imprimer aussi aux instances internationales. Mais à vingt — en fait le G20 compte plus de trente participants —, il ne suffit pas de parler pour être entendu et surtout pour changer le cours des événements. Au moins, la présidence du G8 et du G20 servira-t-elle à redorer le blason du président de la République, un an avant l’élection présidentielle. Les annonces qui sortent des sommets ne bouleversent sans doute pas le petit peuple mais elles ont l’avantage de ne faire l’objet d’aucun examen a posteriori.
Iran
Sur les grands sujets de politique internationale, Nicolas Sarkozy n’a rien apporté de très nouveau. On aura remarqué sa fermeté renouvelée par rapport à l’Iran. En l’absence d’un accord sur le programme nucléaire de Téhéran, il a affirmé qu’il faudrait « nous organiser pour protéger et défendre les Etats qui se sentiraient menacés ». C’est une allusion à Israël, qui devrait pouvoir compter sur une protection extérieure sans avoir besoin de recourir à des frappes unilatérales sur les installations iraniennes, mais aussi aux pays arabes du Golfe avec lesquels la France veut nouer de nouvelles relations diplomatiques et militaires. La base d’Abou Dhabi est un premier pas dans ce sens.
Afghanistan
L’autre sujet controversé du moment est l’engagement occidental en Afghanistan. Nicolas Sarkozy s’est élevé contre le défaitisme qu’il attribue aux médias pour ne pas mettre en cause les experts et les responsables politiques de certains pays occidentaux qui ne voient pas d’issue positive au conflit. Le président a apparemment fait preuve de fermeté en déclarant que « la France restera engagée en Afghanistan, avec ses alliés, aussi longtemps que nécessaire et aussi longtemps que le souhaitera le peuple afghan ».
« Avec ses alliés » : les Américains ont prévu de réduire leur contingent à partir de juillet 2011, tandis que les Néerlandais sont en train de partir et que les Canadiens s’interrogent. Quant aux Allemands, qui doivent renouveler chaque année le mandat de leurs troupes par un vote au Bundestag, ils demandent aussi un calendrier de retrait. Avec quels alliés Nicolas Sarkozy veut-il rester ou partir, il ne l’a pas dit. Il peut en effet se permettre de rester dans le flou, ne subissant aucune véritable pression ni de l’opposition, ni de l’opinion, pour ne pas parler de sa majorité parlementaire, afin qu’un vrai débat s’engage sur la présence occidentale en Afghanistan, ses objectifs, ses moyens, et son calendrier. Cette absence de débat est une des faiblesses de la politique extérieure de la France.