Les Chambres de commerce veulent sortir de l’impasse de Doha

Constatant au bout de douze ans « l’impasse » des négociations de Doha pour un accord commercial multilatéral de libre-échange, la Chambre de commerce internationale (CCI), qui regroupe près de 6,5 millions d’entreprises dans le monde et les Chambres de commerce de 130 pays, vient de présenter dix propositions prioritaires pour sortir de cette situation. Explications de Jean-Guy Carrier, son secrétaire général, en exclusivité pour Boulevard Extérieur.

C’est une première : à l’occasion du 8ème congrès des Chambres de commerce qui s’est tenu du 22 au 25 avril à Doha au Qatar, la CCI (Chambre de commerce internationale) a organisé une journée consacrée au moyen de relancer des négociations multilatérales bloquées depuis douze ans. « Dès 2011, nous avons pris conscience de l’impossibilité de conclure une entente globale dans tous les secteurs », explique en exclusivité pour Boulevard Extérieur le secrétaire général de la CCI, Jean-Guy Carrier.

D’où l’idée de procéder à petits pas en dissociant les éléments où il y a accord entre tous les pays – comme la facilitation des échanges commerciaux et l’accès des pays les plus pauvres aux marchés développés –, et d’isoler les points de blocage (agriculture, protectionnisme). « C’en est fini de la règle du « single undertaking » (engagement unique), qui avait été appliquée lors des discussions de l’Uruguay Round ayant abouti à la création en 1995 de l’OMC (Organisation mondiale du commerce), martèle Jean-Guy Carrier. On ne peut plus s’imaginer aujourd’hui que les pays développés imposent leurs vues aux pays émergents ».

De fait, le cycle de négociations de Doha, lancé en 2001 pour obtenir la libéralisation du commerce mondial, particulièrement dans le domaine de l’agriculture et des services, se trouve dans l’impasse faute d’un accord global sur tous les sujets abordés. « Il y a de nombreux marchandages entre pays qui veulent chacun obtenir des bénéfices de leurs concessions respectives », explique Jean-Guy Carrier.

Dix propositions prioritaires

Pour remédier à ce blocage, la CCI a eu l’idée de chercher des points d’accords partiels communs à tous les pays. Et à l’issue de deux ans de « brain storming » entre les différents membres de la CCI (entreprises, comités nationaux, chambres de commerce), dix propositions prioritaires ont été élaborées et présentées à Doha le 22 avril (1).

Parmi celles-ci, cinq mesures pourraient être adoptées dès la fin de cette année à l’occasion de la 9ème conférence ministérielle de l’OMC. Il s’agit des propositions suivantes :

- conclure un accord de facilitation des échanges (alléger les procédures bureaucratiques pour l’import et l’export),

- faciliter l’accès des marchés aux pays en voie de développement,

- supprimer progressivement les subventions en faveur des exportations agricoles,

- abandonner les restrictions dans le domaine des exportations alimentaires ;

- et enfin encourager la croissance du e-commerce en élargissant l’accord « Information Technology Agreement » qui date de 1996 à tous les nouveaux produits informatiques.

L’impact de tels accords serait considérable selon les calculs de l’institut américain Peterson qui a effectué une étude à la demande de la CCI (2). Peterson a ainsi estimé à 960 milliards de dollars l’accroissement du PIB (Produit intérieur brut) mondial grâce à la seule facilitation des échanges. Et si les dix propositions prioritaires de la CCI étaient adoptées, le PIB mondial augmenterait de 2,2 billions de dollars !

Ces propositions seront présentées au prochain sommet du G20 qui aura lieu du 5 au 6 septembre à Saint Petersburg et lors de la conférence ministérielle de l’OMC qui se tiendra en décembre à Bali.

Quoiqu’il en soit, pour Jean-Guy Carrier, un accord multilatéral est indispensable pour la paix mondiale et la hausse du commerce mondial. « Si l’UE et les Etats-Unis concluent un accord bilatéral, il y a un grand risque que les autres pays se sentent exclus. Avec à la clé un retour à un mode de fonctionnement qui a abouti à la guerre », avertit-il.

Menace réelle ou pas, de nombreux pays se sont d’ores et déjà prononcé par pragmatisme en faveur d’un consensus partiel et non plus global en matière d’accord multilatéral sur le commerce mondial. C’est le cas de la Chine, qui a annoncé en mars, via son nouveau ministre du commerce, sa volonté de conclure un accord partiel. Ou encore de Michael Froman, ancien conseiller économique du président Obama qui vient d’être nommé au poste de représentant américain au commerce extérieur (US Trade representative). Il avait déclaré en début d’année qu’il était en faveur de l’idée d’engranger les « récoltes précoces » (early harvest) d’un accord partiel.

 

 

(1) Les dix priorités fixées par la CCI pour débloquer les négociations de Doha peuvent être téléchargées en cliquant sur le lien suivant : http://www.iccwbo.org/Data/Documents/Global-Influence/World-Trade-Agenda/WTA-business-priorities-3rd-draft/

(2) Le rapport Peterson peut être téléchargé en cliquant sur le lien suivant : http://www.iccwbo.org/Data/Documents/Global-Influence/World-Trade-Agenda/Peterson-Report/