Les ’’Tea parties’’ contre Obama

Les élections de mi-mandat aux Etats-Unis sont traditionnellement une épreuve pour le président. Les exceptions sont rares, où les électeurs ne se défoulent pas contre le pouvoir en place en envoyant au Congrès, soit à la Chambre des représentants, soit au Sénat, ou encore aux deux, une majorité hostile au président. La popularité de Barack Obama étant au dessous de la barre des 50%, il ne devrait pas en être autrement le mardi 2 novembre. Si les démocrates peuvent sauver leur majorité au Sénat, dont un tiers est renouvelé, ils devraient perdre la majorité à la Chambre qui est renouvelée dans son ensemble. D’autres élections ont lieu dans les parlements des Etats, pour les postes de gouverneurs et autres fonctions électives. Ces consultations auront des conséquences sur la prochaine élection présidentielle de 2012.

La magie de la campagne présidentielle de 2008 n’a pas duré longtemps, comme si le mythe Obama s’était effondré avec l’accession au pouvoir. A tel point que les observateurs se demandent comment le grand communicateur qui emporta les primaires démocrates et l’élection a pu perdre la main aussi rapidement. Sans doute Barack Obama a hérité d’une situation particulièrement difficile. Il s’est retrouvé avec deux guerres. Il en a arrêtée une, en conformité avec ses promesses de campagne. Il poursuit l’autre en Afghanistan. Si une majorité d’Américains est sceptique sur l’issue, ce n’est le sujet qui déterminera le sort des élections de midterm.

Obama a dû affronter une crise financière et économique sans précédent depuis les années 1930. Et contrairement à Franklin Roosevelt, il n’a pas eu la « chance » d’arriver au pouvoir quelques années après le déclenchement de la crise. Il est en plein dedans.

Ce ne sont pas pourtant les succès au moins législatifs qui ont manqué ces deux dernières années. Fort d’une majorité démocrate dans les deux chambres du Congrès, le président a pu faire passer une réforme de l’assurance maladie, une réforme des finances et de l’éducation. Mais celles-ci ne sont pas portées à son crédit. La baisse des impôts qui touche les classes moyennes et populaires est passée quasi-inaperçue. L’assurance maladie est critiquée de toutes parts, par la gauche qui reproche à Obama d’avoir abandonné en route nombre de ses objectifs, dans le vain espoir d’obtenir le soutien de quelques républicains, notamment l’option publique d’assurance sociale ; par la droite, qui voit derrière cette réforme les prémices du socialisme.

Le spectre du chômage

L’économie, et plus précisément le chômage, sont au centre des préoccupations des électeurs américains. Trop timide pour les uns, trop interventionniste pour les autres, le plan de relance n’a pas eu les effets escomptés. Le nombre des demandeurs d’emploi augmente et les inégalités se sont aggravées du fait à la fois de la crise et du plan de relance. Et les perspectives ne sont pas réjouissantes. Traditionnellement optimistes, les Américains craignent aujourd’hui un scénario à la japonaise, une décennie de croissance molle. En intellectuel, Obama analyse la situation dans toute sa complexité. Contrairement à ses adversaires, il n’a pas trouvé un message simple à faire passer aux électeurs.

Car ce n’est pas seulement sa politique qui est attaquée, c’est sa personne elle-même. La droite ne recule pas devant les caricatures les plus simplistes et les plus odieuses. Des affiches comparant Obama à Hitler ont brièvement circulé. 40% des Américains croient que Barack Obama n’est pas un citoyen américain et une forte minorité croit qu’il est musulman. Le Parti républicain est débordé par les « Tea parties », ce phénomène parti de la base, anti-élitiste, anti-impôts, anti-Washington. A l’origine, des bloggeurs se sont retrouvés pour dénoncer une administration qui utilisait l’argent des contribuables pour sauver les banques et les individus surendettés. Des think tanks conservateurs, richement dotés par des hommes d’affaires, sont venus leur prêter main forte. La station de radio et de télévision Fox News les a relayés dans tout le pays.

Sortez les sortants

Le mouvement est certes hétérogène, rassemblant aussi bien des libertariens athées que des chrétiens fondamentalistes. Leur premier lien a été une forme de poujadisme anti-fiscalité. Puis iles ont mis en avant les valeurs de l’Amérique qu’un président noir, aux origines douteuses et aux convictions suspectes, mettrait en danger. Glenn Bleck, un commentateur qui a micro ouvert sur Fox News, a réuni des dizaines de milliers de personnes à Washington sous le slogan « Restaurer l’honneur » (de l’Amérique).

La mobilisation des Tea parties est un atout pour le Parti républicain qui était sorti laminé des élections présidentielle et législatives de 2008, sans leader, sans programme, sans troupes. Mais elle n’est pas non plus sans danger pour lui. Par leur extrémisme, les Tae parties peuvent effrayer les indépendants qui forment le groupe le plus important du corps électoral. Certains de leurs candidats ont battu des caciques républicains lors des primaires, offrant une chance parfois inespérée à des sortants démocrates.

L’hétérogénéité du mouvement ne permet pas l’émergence d’une nouvelle doctrine pour le Parti républicain en mal de repères. Et d’ailleurs, le Tea Party est d’abord anti-parti. Il ne vise pas à prendre le pouvoir mais à l’abolir, à revenir à une Amérique faite de petites communautés vivant les unes à côté des autres, avec un minimum de gouvernement central, cette hydre monstrueuse dont les révolutionnaires du XVIIIè siècle croyaient s’être débarrassés en se libérant du joug britannique. Sarah Palin est leur héroïne ; elle n’en est pas pour autant le futur leader du Parti républicain pour la prochaine élection présidentielle. Mais les républicains doivent compter avec ce phénomène qui allie les thèmes les plus archaïques à la mise en œuvre des techniques de communication les plus modernes. Les démocrates aussi. Après les midterms du 2 novembre, une nouvelle période s’ouvrira pour Barack Obama dont les choix décideront de son sort en 2012.