Les Vingt-Sept en quête de solidarité économique

Le rapport Van Rompuy propose d’approfondir l’Union économique et monétaire en renforçant la supervision bancaire et la coordination budgétaire. Il veut aussi favoriser les réformes structurelles en faveur de la compétitivité et de la croissance. Reste à convaincre les Etats membres.

Au siège de la représentation de la Commission européenne à Paris, sur un grand panneau installé dans la vaste pièce où se tiennent les conférences de presse, on peut lire qu’après « des millénaires de guerres fratricides » le projet européen « a fait de l’Europe un espace de paix », une paix fondée notamment sur « la solidarité économique » et sur « de grands projets communs ». En dépit des sarcasmes qui ont accueilli l’attribution à l’Union européenne du prix Nobel de la paix 2012, les Etats membres s’efforcent de justifier cette récompense en continuant, face à la crise, à renforcer leur solidarité commune et à élaborer des projets communs.

Il est vrai que leurs tergiversations, nées de leurs divisions et parfois de leurs erreurs d’analyse, donnent quelques arguments à ceux qui proposent, comme Jean-Luc Mélenchon, de décerner à l’Institut Nobel le prix de l’humour noir ou qui suggèrent, comme Nicolas Dupont-Aignan, que l’Europe est couronnée à titre posthume. Critiqués, raillés, vilipendés, les dirigeants européens tentent de vaincre le scepticisme ambiant en multipliant les initiatives qui tendent à harmoniser leurs politiques.

Leurs nouvelles propositions, présentées par Herman Van Rompuy au Conseil européen des 18 et 19 octobre dans un rapport intérimaire destiné à être finalisé en décembre, vise à créer « une véritable union économique et monétaire ». Le texte dont débattent les Vingt-Sept a été élaboré par le président du Conseil européen en étroite collaboration avec ceux de la Commission, José Manuel Barroso, de l’Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, et de la BCE, Mario Draghi. Le président du Parlement européen, Martin Schulz, a été consulté. Des échanges ont eu lieu avec les Etats membres. Toutes les institutions politiques de l’Union ont ainsi été associées à cette réflexion commune.

Le rapport Van Rompuy définit quatre orientations. La première consiste à bâtir une Union bancaire – qu’on préfère appeler officiellement à Bruxelles, à la demande de la France, un « cadre financier intégré ». Ce cadre met en place à la fois des outils de régulation financière (issus des accords dits de Bâle III), de supervision bancaire, de résolution des crises et de garantie des dépôts. La supervision bancaire est au cœur des discussions actuelles, qui portent notamment sur l’articulation entre la BCE, appelée à exercer cette surveillance de la zone euro, et l’Autorité bancaire européenne, créée il y a deux ans pour coordonner les superviseurs nationaux des Vingt-Sept.

A l’Union bancaire doivent s’ajouter une Union budgétaire, ou cadre budgétaire intégré, et une Union économique, ou cadre de politique économique intégré. Ce sont les orientations 2 et 3. Elles impliquent d’aller au-delà du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, que la France vient de ratifier. L’une des innovations du rapport est l’idée d’une « capacité budgétaire » de la zone euro qui aurait un double rôle : faciliter l’ajustement des pays soumis à un choc économique et établir un système d’incitations à des réformes structurelles qui favorisent la compétitivité des économies. « Ces deux objectifs, l’absorption des chocs et le soutien aux réformes structurelles, sont complémentaires », souligne le rapport. Ainsi serait mise en place « une forme limitée de solidarité budgétaire ».

La quatrième orientation concerne la « légitimité démocratique », qui passe, selon le rapport, par un contrôle du Parlement européen sur les décisions prises au niveau européen et par le maintien d’un rôle-clé pour les Parlements nationaux. Des mesures concrètes doivent être prises, ajoute le texte, pour accroître le niveau de coopération entre les Parlements nationaux et le Parlement européen, en application du récent traité.

Les discussions s’annoncent difficiles. La France se méfie de tout ce qui ressemble à du fédéralisme. L’Allemagne ne veut pas verser d’aides sans obtenir, en contrepartie, des contrôles stricts. Les propositions des quatre présidents tiennent compte de ces réserves. Elles sont formulées avec assez de prudence pour ne pas heurter les dirigeants nationaux. La perspective d’un ministère européen des finances, évoquée dans une version précédente, a disparu. En revanche, le texte évoque une possible direction du Trésor. Comme à son habitude, l’Europe avance à pas lents mais, si ce rapport est adopté en décembre, une nouvelle étape aura été franchie dans la convergence des politiques économiques.